Ahh, le Minox 8X11 ! Beaucoup en ont entendu parler, certains en ont eu entre les mains… Mais combien font encore des photos avec ?
Popularisé par les films d’espionnage, James Bond en tête, le Minox reste très méconnu, même si une petite communauté de passionnés subsiste (surtout outre-Rhin, la patrie du Minox) pour maintenir le mythe vivant.
Vous verrez que cet engin est loin d’être un gadget, c’est un appareil professionnel exigeant, et au potentiel extraordinaire (d’où le titre…).
Une maturation lente
Cela fait un moment que j’expérimente les formats inférieurs au 24X36. J’ai commencé avec l’Olympus Pen FT, me croyant déjà bien audacieux de vouloir prendre des images de qualité tout en divisant par deux la taille des originaux. Et puis, à l’usage… il y avait encore de la marge !
Alors, j’ai poussé le bouchon plus loin avec le Pentax Auto 110, encore deux fois plus petit. Là, je me suis dit que j’avais atteint les limites du raisonnable. Mais lors des premiers résultats, j’ai continué à être impressionné.
Bon, qu’est-ce qu’il reste d’encore plus petit ? Le Minox ? Non… quand même pas, faut pas exagérer, c’est vraiment trop minuscule. Comment un négatif aussi petit que 8X11 mm peut encore enregistrer suffisamment d’informations ?
Le Minox 8X11… grand copain du KGB, de la CIA et consorts… Il en aura photographié, des documents ultra-secrets !
Si cet appareil légendaire a si longtemps perduré (de 1938 au début des années 2000), et a été adopté par les plus grandes marques de lave-linges, il doit bien y avoir une raison ?
Et de fait, en recherchant des images parmi les groupes de diffusion consacrés au Minox sur Flickr, au milieu d’un nombre impressionnant d’horreurs, je suis tombé sur quelques images d’une qualité incroyable. Il n’en fallait pas plus pour me convaincre du potentiel de ce bidule.
Un peu d'histoire, car je vous cultive aussi
Un Minox Riga. Image : Geoff Harrisson
Le Minox 8X11 n’est pas un produit de la guerre froide. Il date de bien avant !
C’est l’ingénieur Walter Zapp qui l’a mis au point, dès 1938. Le modèle 1, surnommé « Riga », du nom de la capitale de Lettonie où était basée la firme, avait déjà tous les éléments qui fera la fortune de Minox pendant des lustres.
Zapp voulait un appareil démocratique que tout le monde pourrait avoir avec soi, comme on porte un stylo. Mais sans pour autant sacrifier la qualité. Ce dernier point, crucial, obligea Minox à concevoir un appareil totalement original, avec de nombreuses caractéristiques uniques :
– Taille minuscule (8 cm de long), sans la moindre aspérité, permettant de le glisser facilement dans une poche.
– Emploi de film ciné 9,5 mm, pour des images de format 8X11 mm. Chargé dans des cassettes toutes prêtes ne nécessitant pas de rembobinage.
– Objectif à ouverture fixe (f/3,5) de focale 15 mm, de même champ qu’un 50 mm en 24X36.
– Mise au point extrêmement rapprochée à 20 cm.
– Viseur qui corrige la parallaxe.
– Barillet de vitesses manuelles de 1/1000 e à 1/2 s plus les poses B et T.
– Avancement du film par extension latérale de l’appareil. Ce geste des minoxistes deviendra célèbre !
– Compteur de vues jusqu’à 50 images.
– Réglage manuel des distances sans aucune aide. Cette lacune incita à trouver un palliatif en la présence d’une chaînette avec des repères de distances correspondant à ceux indiqués sur le barillet. Utilisable jusqu’à 60 cm, ensuite, la distance doit se faire à l’estime.
– Poids : 130 g, pas si léger, car l’aluminium n’était pas encore à l’ordre du jour. Ce sera le cas pour les modèles suivants.
– Mais pas de cellule.
L’ami Walt, qui n’était pas un Mickey (*), réussit si bien son pari que son appareil eut un grand succès… d’abord auprès des espions et des armées! Ce qui chagrina beaucoup l’ingénieur qui n’avait pas du tout pensé à cet usage détourné. En même temps, fabriquer un engin qui tient dans le creux de la main et capable de faire des photos rapprochées de qualité, il ne faut pas être devin pour imaginer à quoi il peut servir !
Pour l’anecdote, la Lettonie, durant la seconde guerre mondiale, fut d’abord envahie par l’URSS, qui obligea Minox à produire pour elle. Puis ce fut au tour de l’Allemagne en 1941 qui demanda aussi à Minox de la fournir en appareils. Et devant l’avancée des russes en 1944, l’usine Minox fut déménagée en Allemagne, pour y rester définitivement. C’est ainsi que le Minox Riga fut utilisé par les espions des deux camps ! Mais aussi par les officiers et soldats plus ordinaires, qui prirent en cachette certaines images tragiques des plus noirs épisodes du conflit.
(*) Vous êtes censé rire, là.
Alors, j'opte pour quel Minox ?
Après la guerre, le Riga fut remplacé par de nombreux modèles différents au fil des années. Lequel choisir pour jouer avec ?
Il y a eu trois séries principales : A, B et C. Et une multitude de sous-versions, que je ne vais pas tous détailler ici. Je vous laisse vous perdre dans les sites des mordus de la bête, comme celui-ci (qui présente aussi l’avantage de vous initier au bon goût).
– Le modèle original (Riga) est surtout un objet de collection, et pas d’usage. Par ailleurs, son optique Pentar n’est pas folichonne. On oublie.
– Le A (1948-1969) est une extrapolation du Riga avec une optique meilleure (Complan, à partir du modèle AIII), et l’emploi d’aluminium pour la caisse, au lieu d’acier bien plus lourd. Existe en 4 versions.
– Le B (1958-1972) est un A avec une cellule intégrée au sélénium. L’ajout de la cellule allonge le Minox de 13 mm. Optique Complan comme le A, sauf sur les ultimes exemplaires qui intègrent une optique améliorée (nommée Minox), qui ne nécessite pas un passage courbe du film devant l’objectif pour contrer une courbure de champ.
– Le BL (1972-1977) est un B grandement amélioré : changement de la cellule au sélénium pour une au CDS (bien plus fiable, possiblement encore opérationnelle aujourd’hui), et optique Minox.
– Le C (1969-1978) accueille une cellule au CDS, qui cette fois, nécessite une pile. Cet ajout fait agrandir le Minox d’encore 14 mm supplémentaires. Optique Minox, à champ plat, comme les derniers B.
Après le C, Minox a aussi produit le LX, le AX et ses variantes (avec la même optique Minox). Compte tenu des prix astronomiques qui sont pratiqués pour ces modèles, je ne vais pas en parler. Je ne suis pas collectionneur.
Je passe aussi sous silence les EC et MX, bas de gamme.
Sur le papier, le B est le plus séduisant : il possède un barillet complet de vitesses (du 1000e à la demi-seconde, plus poses B et T), il a une cellule qui fonctionne sans piles, un beau viseur, l’optique Complan ou Minox et tutti quanti.
Hélas, trois fois hélas, comme tous ses prédécesseurs, il est affublé d’une tare congénitale rédhibitoire : dès qu’on l’ouvre pour accéder au viseur, le film avance d’une vue, qu’on le veuille ou non. On a vite fait de gaspiller du film inutilement. Et j’ai horreur de ça! Par ailleurs, la cellule est bien souvent HS aujourd’hui.
Le modèle C règle ce problème grave : l’ouverture de l’appareil ne fait pas avancer le film plus que nécessaire. Ah, enfin !
Il possède une cellule à pile qui permet à l’appareil de fonctionner en mode A jusqu’à 7 secondes (ou 10 sec pour les modèles plus tardifs), mais cette pile est d’un modèle rare.
Le barillet des vitesses manuelles est tronqué : on n’a accès qu’aux vitesses du 1000e au 1/15e, et les poses B et T ont disparu, ce qui constitue une cruelle lacune.
Que faire ?
Dans l’absolu, je vous conseille un Minox BL, qui est le plus complet (vitesses de 1/1000 à 1/2 sec en manuel, poses B et T), présente l’avantage d’une cellule (à pile) qui peut encore marcher, et qui en bonus, ne fait pas avancer le film quand on le ferme sans déclencher. C’est vraiment le modèle idéal. Hélas, n’ayant été que très peu fabriqué, il est rare et beaucoup plus cher que les autres !
A noter que tous les Minox existent en deux versions : système métrique ou impérial. Mais le modèle à système métrique fonctionne en norme DIN (et en ISO pour celui à système impérial). Parce que Minox est allemand d’origine, là où la norme DIN est …la norme.
Evidemment, il faut choisir le système métrique… et apprendre à convertir les ISO en DIN !
Photo 1 : Un Minox A (au musée de la photo de St Bonnet). Photo 2 : Un Minox B. Image : Sylvain Halgand, www.collection-appareils.fr
A gauche, Minox C modèle 2, à droite, modèle 3.
Après avoir longtemps retourné la question, mon choix a fini par se porter sur un modèle C. Les raisons principales : on en trouve beaucoup en excellent état, il est plus récent, il a une cellule qui fonctionne encore, a l’optique Minox (peut-être) la plus performante, et le prix reste raisonnable par rapport au B. J’ai payé le mien 80 Euros.
Il existe plusieurs versions :
– Premier modèle, avec optique Complan.
– Second modèle avec optique Minox, voyant blanc (indicateur de pose lente), et pose jusqu’à 7 sec.
– Troisième, avec dessin du déclencheur et du compteur de vues sans bossage proéminent, voyant blanc et pose lente maxi de 10 sec.
– Quatrième, avec dessin du déclencheur et du compteur de vues sans bossage proéminent, voyant rouge (moins gourmand en énergie), et pose lente maxi de 10 sec.
Le dernier modèle est à préférer si possible. Pour ma part, j’ai le second modèle, et aussi en réserve un modèle 3.
Bon, une fois mon C entre les mains, il m’a fallu d’abord régler le souci de la pile, d’autant que sans énergie, il refuse de faire la moindre photo, même en mode manuel.
Ce ne fut pas une mince affaire. Plusieurs modèles de remplacement n’ont pas la bonne dimension, car le compartiment est ajusté au maximum autour de la pile. Seule la ref 4LR43 a la taille adéquate. Il existe aussi une alternative commode : utiliser trois LR44 et une LR43 additionnées.
Les deux solutions fonctionnent de la même façon. A noter que quelle que soit votre option, vous obtiendrez 6V au lieu des 5,6 V de la pile d’origine. Fort heureusement, cette différence n’affecte en rien le comportement de la cellule ou de l’obturateur. Vous avez donc le choix.
Le modèle C a une cellule intégrée, qui lui permet de fonctionner en mode tout auto. Cet ajout entraîne deux conséquences sur le terrain :
– Perte des vitesses lentes manuelles, en-dessous du 1/15e. Perte des poses B et T. Alors là, on se demande ce qui a pris au fabricant de nous punir de la sorte ? Clairement, il a été pensé exclusivement pour la photo à main levée. Du coup, à quoi bon les 7 secondes de pose possibles en auto ?
– Pas de compensation manuelle du mode auto. On peut seulement jouer sur les ISO. Ca marche, mais gare aux étourderies.
Le Minox ne donne aucune indication de la vitesse qu’il choisit. On a seulement possibilité (via un bouton poussoir allumant une lampe blanche qui consomme à mort) de savoir si l’on est au-dessus ou au-dessous du 1/15e de seconde.
Cette limite est assez handicapante, car on ne peut travailler en manuel qu’en condition de lumière abondante.
En pratique, on est donc contraint de faire confiance à l’automatisme. Fort heureusement, la cellule est particulièrement stable, juste et fiable. Ouf !
Petit raffinement supplémentaire : il existe un filtre gris neutre intégré (-2 diaphs) que l’on peut faire coulisser devant l’objectif. Le but est d’éviter une possible surexposition en plein soleil avec des films trop sensibles. La cellule tient compte de la présence du filtre.
La bande en pointes de diamants au-dessus de la fenêtre du viseur est une commande coulissante pour placer le filtre devant l’objectif (ici à moitié placé).
Un viseur qui saoûle
Au chapitre des trucs qui fâchent : le viseur. Non pas qu’il soit de mauvaise qualité. Au contraire, il est très clair, net et contrasté. Relief d’œil satisfaisant avec des lunettes. Un système couplé à la bague des distances compense automatiquement la parallaxe. Hélas, c’est le filet blanc qui délimite le cadrage qui pose problème : il est très peu visible ! Et même parfois totalement invisible. Vraiment, quel dommage, car cela rend une composition précise difficile. Sur trépied et sujets fixes, c’est jouable, moyennant une perte de temps pénible.
Techniquement, le cadre est obtenu par réflexion sur une face d’une lentille du viseur. Cette face est spécialement traitée pour faire miroir. Si ce traitement est dégradé (par nettoyage imprudent, voir mon article sur le Minox 35), le cadre devient moins clair. Mon exemplaire est peut-être victime d’un tel phénomène, d’autant que mon second Minox a un meilleur viseur, ce qui me laisse penser à un souci ponctuel. Vous aurez peut-être plus de chance que moi avec le vôtre.
A défaut d’être lisible, le rectangle délimitant le cadre est suffisamment précis. Un point crucial fort appréciable. Prise de vue à 20 cm. Ce rectangle est obtenu par une pièce métallique brillante orientée vers le sujet et qui vient se réfléchir sur la première face de verre du système optique. Si la surface réfléchissante est dégradée, le cadre se voit moins.
Particularité de tous les Minox : ils n’ont pas de filetage intégré pour trépied. Heureusement, le fabricant a quand même prévu cette possibilité via un accessoire à se procurer en sus. Cet outil ingénieux permet en plus d’utiliser un câble de déclenchement. Objet au design pour le moins étrange, mais ça marche !
Autre accessoire utile : l’étui en cuir « tout prêt », avec sa chaînette perlée qui permet d’estimer les courtes distances avec exactitude.
C’est une super idée, mais je me suis empressé de la remplacer par une sangle en nylon (avec des repères home made). Car la courroie est trop courte pour mettre l’appareil au cou (elle est prévue en usage type montre à gousset), est à maillons et donc attrape tous les petits poils et cheveux. Mais si vous préférez bénéficier d’une séance épilatoire à chaque sortie photo, vous pouvez garder la chaînette d’origine.
Le Minox possède un système ingénieux pour fixer l’adaptateur pour trépied ou l’étui cuir en un tournemain. Original et sans souci, c’est bien fiable. Alors ça me plaît !
Les films
Ca y est, vous avez un beau Minox dans les mains, et il fonctionne. Mais vous n’êtes pas sorti d’affaire pour autant, car il va falloir penser à le nourrir…
Les films 8X11 étaient commercialisés sous la forme d’une cartouche en plastique, d’un dessin proche du format 110 : une bobine débitrice, une autre réceptrice. Cette cartouche était propriétaire à Minox, mais je crois qu’au moins une autre marque en a aussi fabriqué.
Aujourd’hui, Minox a stoppé la production, mais heureusement, on trouve encore souvent des cartouches neuves périmées sur Ebay, hélas, à un prix de collectionneur, donc bien trop élevé pour les utiliser vraiment. Et puis, à quoi bon se servir d’un film périmé de 20 ans acheté à prix d’or ?
Par chance, Fotoimpex importe des films Minox, sous le nom de Spy Film (d’origine Blue Moon Camera, un commerce américain reconditionnant des formats disparus), avec des émulsions neuves et modernes, en rechargeant artisanalement des cartouches vides. Pour commencer, je vous conseille vivement d’en acheter une (100 ISO noir et blanc, c’est du Delta 100), c’est le meilleur rapport qualité/prix/embêtements. Fotoimpex propose même un service de développement / numérisation. Pour ceux qui ne veulent pas bricoler…
Si vous développez vous-même, vous pourrez ainsi récupérer la cartouche pour la suite.
Vous connaîtrez au passage la longueur du film (58 cm), et la façon dont il est chargé.
Une cartouche Minox neuve, telle que chargée et conditionnée par Blue Moon Camera, et distribuée en Europe par Fotoimpex.
Premières images
Me voilà donc avec mon Minox C nourri au Delta 100, déambulant dans les rues de Lyon.
J’ai choisi d’emblée d’exposer le film à 50 ISO, et de le développer dans du Perceptol utilisé pur. J’obtiens ainsi (en théorie) le grain le plus fin possible avec cette émulsion.
J’ai systématiquement doublé les images : une en automatique, en faisant confiance à la cellule, et une en manuel, en reportant les valeurs données par ma performante Sekonic L-408 digitale. Le tout à main levée, car c’est la vocation première du modèle C.
J’ai tenté plusieurs vues rapprochées, et je me suis vite rendu compte du côté peu pratique de la courroie avec ses repères : il faudrait trois mains !
Très difficile de ne pas changer la distance par mégarde entre la prise de mesure, le report de la valeur sur l’appareil, et le cadrage. Je mise sur une certaine tolérance de profondeur de champ pour que « ça passe ! »
Premier développement
Adepte du « c’est moi qui l’ai fait ! », j’ai décidé de fabriquer ma propre spire au format 8X11, en partant d’une standard Paterson.
Notons qu’il existe néanmoins des spires spéciales 8X11 en occasion, et qu’également, certains malins en proposent réalisées en imprimante 3D. Vous pouvez aussi vous payer une cuve Minox d’époque, si vous avez les moyens. Attention, elle nécessite de pratiquer une encoche de forme spéciale en fin de film.
Vous faites bien comme vous le sentez, mais sachez que la transformation à partir d’une spire Paterson n’est pas très difficile. Et ça coûte moins cher.
Il vous suffit de scier très proprement, avec un cutter du côté opposé à la lame, (afin d’user le matériau au lieu de le couper) l’axe central externe, puis une fois détaché, de le retourner et de le recoller ainsi. Il faut aussi rogner les deux encoches sur quelques millimètres. Le problème, c’est que la matière, c’est du nylon, et c’est impossible à coller avec n’importe quelle colle classique. Il faut utiliser une colle spéciale nylon. Loctite en propose une, avec un applicateur (sous forme d’un feutre) qui est chargé de préparer la surface à encoller. Ca marche très bien.
Vous devez également retirer les billes, et boucher leurs emplacements avec une colle classique (pour éviter que le film ne vienne s’y coincer).
Votre spire est prête, même si finalement, avec le coût d’une spire neuve 135 et la colle, le différentiel de prix avec une spire spéciale n’est pas énorme. Au moins, ça vous aura occupé, vu que vous n’avez rien à faire d’autre que de me lire.
Le chargement est facile : découper l’extrémité du film en pointe de flèche, et l’insérer dans la spire en le poussant, tout en faisant des vas et viens avec la spire.
Il y a assez de place pour loger un second film de 36 poses. Mais avant cela, il faut pousser le premier film complètement jusqu’en butée finale.
Pour ce faire, j’ai confectionné un outil dédié, j’ai nommé : « le pousseur »! Il s’agit d’un médiator pour guitare, en plastique, dans lequel j’ai pratiqué une encoche. Il suffit d’attraper la fin du premier film avec l’encoche, et de pousser… D’où son nom.
Le second film entre normalement, on peut faire des vas et viens avec la spire sans craindre de voir le premier film reculer et chevaucher le second. Ca marche !
Le développement se déroule tout-à-fait habituellement, si ce n’est qu’on ne consomme que 150 ml de produit. C’est économique, mais l’exigence de précision des mélanges est accru. Les temps, agitations, et températures sont les mêmes que d’ordinaire.
La numérisation des négatifs
En vérité, je vous le dis, mes biens chers frères et sœurs : laissez tomber toute velléité d’utiliser un scanner, aussi performant soit-il. Vous n’obtiendrez au mieux qu’une vignette de lecture, et vous serez très loin d’extraire tout le jus des images. La seule solution est de reproduire avec un reflex numérique et objectif macro.
Mais en plus, un objo macro classique ne suffira pas. Car les négatifs sont si petits, qu’il faut atteindre le rapport X3 si l’on veut cadrer plein pot les images sur capteur 24X36.
Par chance, mon passé de photographe d’insectes va me servir, car j’ai conservé de cette époque bénie, une optique idéale pour ce travail : un Olympus OM Zuiko macro 38 mm F-2,8. Capable de délivrer une excellente image du rapport X2,6 à X7. Monté sur soufflet OM, je peux l’utiliser avec mon Nikon D750 (via une bague d’adaptation). Utilisé avec un flash, c’est l’arme absolue. Le meilleur rendement est obtenu à F-4, mais je conseille plutôt f-5,6, car le grain est légèrement plus fondu (début de diffraction), sans mollesse pour autant.
Attention cependant, il va falloir très soigneusement travailler le passe-vue, car la profondeur de champ à ce rapport est inexistante. L’usage de verres est nécessaire, afin d’aplatir parfaitement le film. Sans eux, vous aurez le centre des images net, et le reste flou une fois sur deux…
Pas question d’employer des verres ordinaires : ils sont optiquement imparfaits et trop épais. Mais il existe une solution très simple : prenez des verres pour microscope. Ils font 1 mm d’épaisseur, sont en verre optique, et ne coûtent pas cher.
Un des deux verres doit être anti-Newton. Houlà… Ca se complique sérieusement ! La solution : récupérez des caches diapos 24X36 avec verres (pour éviter que les diapos ne gondolent en projection) : ils sont en verre anti-Newton.
J’ai fabriqué ainsi un passe-vue avec verre AN côté source lumineuse, et verre lisse côté objo. Avec un dispositif qui plaque le passe-vue en position fermée, coinçant ainsi le film entre les deux verres. Image plane garantie, et piqué ultime sur toute la surface de l’image.
Mon système pour reproduire les films 8X11. La boîte de mélange contient un dispositif d’éclairage en LED, qui sert à y voir clair dans le viseur, mais c’est le flash qui expose l’image.
Des lames pour microscope, en verre optique très pur de 1 mm d’épaisseur. Des caches pour diapos avec verres anti-Newton.
Le passe-vue, conçu pour plaquer le film en force entre les deux verres, avec un verrou sur glissière. Des butées viennent positionner le film bien dans l’axe du couloir.
Un résultat très prometteur
Le film Delta 100 développé avec succès, je constate d’emblée une exposition très bonne sur l’ensemble du film. Aucune vue ratée sur ce critère, et les différences entre les images réalisées en auto et celles à la cellule à main sont faibles. La prochaine fois, je pourrai faire confiance à l’automatisme, en jouant éventuellement sur les ISO pour les cas difficiles.
L’espacement des images est bon, sauf après la vue 36 (j’ai voulu aller plus loin) : les images deviennent brutalement très espacées, mais on gagne quand même jusqu’à 3 images ainsi.
Attention aussi à bien commencer le film à la vue 1, si vous commencez, mettons, à la vue 5, (donc si vous n’avez pas pris la peine de faire revenir le compteur à zéro en déclenchant à vide), vos images vont se superposer. Il y a en effet un système mécanique qui tient compte du changement de diamètre de l’axe récepteur à mesure que le film avance. Pour qu’il fonctionne, il faut vraiment commencer à shooter à la vue 1.
Sur la table lumineuse, j’ai eu un vrai choc : jamais je n’avais vu un tel piqué. Mais les images sont si petites qu’on n’en profite pas vraiment, même au compte-fil X10. Cependant, il est évident que l’objectif est capable d’un rendement jamais atteint nulle part ailleurs.
Analyse des chefs-d'œuvre
Clairement, c’est magnifique. On constate immédiatement que le facteur limitant la qualité, c’est le film, pourtant excellent et développé au maximum de ses possibilités.
De fait, les images ont beaucoup de grain, mais on voit bien que l’objectif est loin d’avoir atteint ses limites : y’en a plein sous la semelle, et c’est pas de la merde !
Je constate néanmoins une légère perte de rendement dans les angles (ça pique, mais pas autant que le centre, qui lui, est vraiment dingue). Il y a aussi un peu de vignettage, ce qui est assez logique, étant donné qu’on shoote toujours à pleine ouverture. Rien de grave, d’autant que ça s’élimine facilement en numérique si besoin.
Une optique donc tout-à-fait à la hauteur de la légende, d’autant que ces résultats splendides restent constants à toutes les distances (même à 20 cm).
Le film Delta 100 produit déjà facilement des images très convaincantes, malgré un grain qui ne se fait pas oublier. Ca augure du bon pour la suite.
Une image et un détail à 100% de la résolution.
Second essai au Pan F d'Ilford
Je reste néanmoins frustré par le grain, trop présent à mon goût. Le rêve serait de sortir des images aussi peu granuleuses qu’en 24X36, ce serait génial.
C’est là que je regrette le défunt Kodak Technical Pan 2415, le film le plus fin du marché du temps de la splendeur de l’argentique. 25 ISO seulement, mais quelle finesse. Il aurait fait merveille dans un Minox.
Faisons le deuil de cette référence : même si on peut encore trouver quelques bobines périmées, le révélateur spécial a disparu, et il ne se conservait pas. Sans lui, c’est mort !
J’ai alors pensé au Pan F d’Ilford : 50 ISO. J’ai fait un essai en l’utilisant à 25 ISO dans le Perceptol liquide. Le résultat n’est pas meilleur que le Delta 100, j’ai même l’impression que c’est un poil plus granuleux. Perdre un diaph pour être moins bon, la belle affaire !
Qu’est-ce qui existe de plus fin sur le marché ?
Malgré une sensibilité deux fois moindre, le Pan F n’est pas plus fin que le Delta 100. Ca reste un bon film, mais autant prendre le Delta.
L'Adox CMS 20 Pro II : la perle rare
L’Adox CMS 20 tel que vendu en cartouche 135. Ne vous y trompez pas, ce film n’existe pas en 8X11. Je me suis amusé à fabriquer des étiquettes moi-même.
Jusqu’ici, j’ignorais tout de cette référence d’Adox. Ce film est peu connu, car il est très spécial. La documentation commerciale le décrit en toute modestie comme le support d’enregistrement « le plus fin ayant jamais existé sur Terre ». Rien que ça… Un discours marketing sans doute exagéré, mais s’il y avait un fond de vérité, il pourrait faire mon affaire.
Le CMS 20 ne se trouve guère sous le pas d’un cheval, surtout son révélateur spécial Adotech 4, qu’il faut impérativement se procurer. J’ai commandé à la source : encore une fois chez Fotoimpex en Allemagne, qui distribue la marque.
Un temps commercialisé en 120, ce format a été abandonné. Il reste vendu en 135 et en plans-films 4X5.
Le film est d’un prix raisonnable, mais il n’en est pas de même pour son révélateur, qui est hors de prix pour un usage en 135 (je ne parle même pas du format 4X5 !). Mais heureusement, en 8X11, tout change : on obtient 4 films de 36 poses, plus deux films de 27 poses avec une seule cartouche 135 ! En terme de consommation de liquides, cela revient à 450 ml (après dilution) pour 200 photos, cela aide à relativiser.
Le CMS 20 est extrapolé d’une émulsion pour microfilm des années 50. Avec le révélo dédié, ll est utilisable entre 3 et 25 ISO. C’est très peu sensible… d’autant qu’il n’est pas conseillé de l’employer à 25 ISO (trop de contraste).
L’Adotech 4 a été spécialement conçu pour réduire le contraste et délivrer des demi-teintes. Sans lui, le rendu serait infernal. Mais malgré tout, il est quand même très dur, alors il vaut mieux exposer au plus bas possible. Je conseille 12 ISO, c’est le meilleur compromis contraste/agrément d’utilisation. Exposer à des valeurs encore plus basses va améliorer le rendu général, mais seulement légèrement.
De toute façon, le Minox C ne descend pas en-dessous de 9 ISO, et cette valeur est utile pour surexposer d’un diaph afin de compenser une erreur de mesure de la cellule. Alors, 12 ISO est la valeur la plus faible utilisable en pratique.
Il faut savoir que le CMS 20 est orthopanchromatique, c’est-à-dire qu’il voit les rouges, mais mal… Un objet rouge sortira sombre, mais pas noir. C’est une caractéristique à garder en mémoire, mais en pratique, rien de flagrant sur cette couleur.
Petit détail important : le support est très transparent et conducteur de lumière, à la manière d’une fibre optique. C’est-à-dire que de la lumière peut se glisser à l’intérieur de la cartouche, voilant le film. Adox conseille de charger en lumière atténuée, mais il vaut mieux opérer dans le noir total.
Développer la perle rare
Soutirer la quintessence du film n’est pas simple, car le développement est complexe et exigeant. Le CMS est extrêmement sensible aux pollutions chimiques et aux imprécisions à tous les étages.
Il vous faut télécharger le mode d’emploi du film sur le site d’Adox. Vous y trouverez toutes les infos pour bien développer le CMS 20.
Voici le process :
– Nettoyez extrêmement minutieusement à l’eau et au savon la cuve, la spire et les flacons. Puis un rinçage impératif de tout ça à l’eau déminéralisée. Sinon, vous aurez plein de taches et de petits points sur vos images. Faites cela la veille, pour que la spire soit sèche au moment de charger le film.
– Diluer avec beaucoup de précision le révélateur. Dilution à 1 pour 14, soit 10 ml pour 140 ml d’eau déminéralisée.
– Tout doit être dilué avec de l’eau déminéralisée : le bain d’arrêt (avec un vrai bain d’arrêt, pas du vinaigre ou seulement de l’eau), et le fixateur (fixateur habituel, le mien : Ilford Rapid Fixer).
Pour 12 ISO, la température de développement est de 23 °C exactement. Soyez le plus précis possible. Et c’est là qu’arrive le point le plus intriguant et difficile du processus : Adox recommande de ne pas utiliser de bain-marie, mais de développer dans une pièce entre 20 et 21°C. Le but est de laisser refroidir progressivement le révélo durant le développement. Ca a un effet sur le contraste final.
Pas de souci en hiver, mais c’est un vrai casse-tête l’été ! Comment faire ? J’ai longtemps été très ennuyé par cette contrainte.
Bien sûr, si vous avez la climatisation, sale profiteur; vous êtes sauvé, mais ce n’est pas mon cas.
J’ai mesuré qu’au bout des 10 mn que durait le développement, dans une pièce à 20°C, le révélo perdait entre 1/10e et 2/10e de degré seulement. C’est dire l’exigence de précision !
Ma solution en été : préparer un bain-marie à 20,5°C, en utilisant un bloc froid en plastique, sorti du congélo, que l’on plonge dedans, jusqu’aux 20,5°C voulus. Développer en laissant le fond de la cuve dans cette eau. Ca marche ! Vérifier régulièrement que l’eau du bain-marie reste bien à 20,5°C en replongeant périodiquement le bloc froid et en brassant l’eau.
Cette précaution n’est impérative que pour l’étape du révélateur.
L’agitation doit être continue les 30 premières secondes, puis une fois par minute. Agiter consiste à faire faire un tour complet (360°) doucement et régulièrement à la cuve. Rien d’autre.
Le bain d’arrêt se fait normalement.
Le fixateur ne doit être en contact avec le film que durant 30 secondes à une minute maximum, car la couche de grains d’argent est excessivement fine. Fixer plus va faire disparaître les images !
Rinçage normal (méthode Ilford possible) à l’eau courante, et finition à l’eau déminéralisée avec deux gouttes d’agent mouillant.
Voici comment agiter la cuve avec le révélateur Adox : un simple retournement.
Adox+Minox : l'équation gagnante !
Première constatation : le support est effectivement d’une transparence cristalline. On dirait du rodhoïd.
Le rendu est vraiment très contrasté, les infos dans les ombres sont faibles. Et les hautes lumières brûlent facilement.
Mais sinon quelle résolution… Ca pique comme un rasoir ! Il est d’ailleurs difficile de s’en rendre compte avec un compte-fil X10, insuffisamment grossissant.
Alors on va sortir l’artillerie lourde : la binoculaire de ma maman gemmologue, une magnifique Olympus SZ avec zoom jusqu’à X40.
Je place une image devant les objectifs, et je commence avec le grossissement le plus faible. Puis, je zoome, je zoome… en découvrant toujours plus de détails infimes ! A X40, on ne décèle aucune mollesse. L’objectif Minox continue de résoudre plus encore que ce que le film est capable d’enregistrer… Pourtant, l’Adox est théoriquement capable de résoudre 800 paires de lignes par millimètre.
C’est bien simple : les images une fois numérisées (et malgré une perte inévitable de résolution, même si elle reste faible) peuvent être tirées en 30X40 cm sans se douter qu’elles sont issues d’un 8X11. C’est meilleur qu’avec du Tmax 100 en 24X36 !
A mon avis, un tirage 60X80 cm est tout-à-fait envisageable.
Le rendu de l’Adox est très particulier, de par son contraste très fort, et son peu de détails dans les ombres. C’est un défaut dont il faut se servir pour en faire une qualité. Finalement, j’aime assez ce rendu dur, bien qu’il ne convienne pas à tous les sujets. Les meilleurs résultats sont obtenus par temps couvert.
Comme toujours, je teste le film sur la vue de ma fenêtre. La seconde image montre le résultat à 100%. Le gain en qualité est spectaculaire.
Pour le plaisir des yeux : je suis monté au rapport X10 à la prise de vue (avec un 20 mm macro Zuiko), afin de rentrer au cœur de la matière de l’image. La flèche donne la largeur de film : 1 millimètre ! Chaque lettre de l’enseigne fait 0,015 mm de large.
La même scène prise avec trois films différents. Un vrai gouffre les sépare.
Un crop au rapport X10. Alors, les 800 paires de lignes au millimètre? On doit pas en être loin ?
Le Minox C sur le terrain
Vous avez le choix de l’utiliser de deux manières : à main levée, ou sur trépied, selon la quantité de lumière.
Avec du 50 ISO, aucun souci à main levée, même par temps couvert. N’oublions pas qu’on est toujours à F-3,5, ce qui est une valeur confortable.
On ne parle jamais assez de l’importance en photo d’un déclencheur bien conçu. Celui du Minox est vraiment exemplaire : juste ferme comme il faut, on sent bien le départ imminent de l’obturateur. Super !
Au déclenchement, aucune vibration. Heureusement, le petit déclic (très discret) reste audible pour être bien sûr que la photo a été prise. On peut facilement descendre au 1/15e de seconde à main levée.
La cellule est superbe de précision et de régularité, on dirait une multizone moderne ! Avec un film habituel, vous réglez à la valeur ISO voulue (enfin, convertie en DIN !), et vous shootez. Dans les cas de contrejour ou fond blanc, vous ajoutez un diaph, et basta. Même pas de sous-exposition massive avec le soleil dans le champ ! C’est bien simple, la cellule ignore presque les zones à problème, ce qui ne vous empêche pas de compenser quand même un peu.
Ce comportement est identique sur mon second exemplaire, quel confort.
Avec le CMS 20, qui est ultra contrasté (et donc beaucoup moins tolérant aux erreurs), la valeur de 12 ISO est souvent moins bonne qu’en surexposant de 2 tiers de diaph. Comme le CMS est aveugle dans les ombres, globalement, c’est bon de surexposer un peu, il y a plus de marge dans les hautes lumières.
Mais parfois, ça tombe juste… alors je brackette en faisant deux photos. Une à 12, une autre à +2/3. Inutile de sous-exposer, le cas ne m’est jamais arrivé. Pour les images vraiment importantes et que je tiens à tout prix à réussir, j’expose une troisième image à 9 ISO (+ 1 diaph). Le petit tiers en plus peut être utile.
Attention avec ce film : sa faible sensibilité amène à flirter avec la loi de non-réciprocité propre aux poses longues, qui conduit à des images sous-exposées. A 1s de pose, surexposer de 1/2 diaph. La perte est de 1 diaph à partir de 10 s.
Le viseur, par contre, est LE défaut du C. Son cadre est très précis (et en plus la parallaxe est corrigée), mais très peu visible. Certaines fois, on ne le voit pas du tout, ou moyennant une gymnastique des yeux chronophage. Vraiment, quel dommage. Mais il paraît que le B est meilleur sur ce critère.
En vérité, on y arrive quand même, y compris pour des cadrages précis, mais il y a de quoi pester. Gaffe cependant avec les compositions symétriques en gros plan : l’objectif étant décalé par rapport au viseur, le centre de symétrie n’est pas celui du viseur, tout corrigé qu’il soit.
L’objectif, on l’a vu, est excellent, et par ailleurs, se comporte très bien en contre-jour, y compris avec le soleil dans le champ. Parfait ! Aucune distorsion non plus, c’est un avantage crucial pour la photo d’architecture.
Maintenant, la mise au point. C’est un problème, car il faut la déterminer au jugé. Et la résolution énorme de l’Adox met cruellement en valeur le moindre décalage. C’est comme en numérique : plus il y a de pixels, moins il y a de tolérance aux erreurs. Du coup, la profondeur de champ diminue avec l’augmentation de la résolution.
On peut regretter l’absence de diaphragme, qui aurait permis d’augmenter la zone de netteté. Mais n’oublions pas la taille du format : sur une aussi petite surface, diaphragmer signifie perdre en résolution à cause de la diffraction. Avec un film comme l’Adox, cela aurait été dommage !
Il va donc falloir être particulièrement précis sur le réglage des distances. Au-delà de 2 mètres, aucun problème : on entre dans l’hyperfocale, et tout va bien. Mais ça se complique de près.
Après quelques erreurs avec la chaîne à plots, j’ai décidé de laisser tomber son usage peu pratique, d’autant qu’elle ne sert à rien sur trépied (on est contraint de la démonter pour faire place à l’adaptateur).
Pour toutes les vues de près, je suis sur trépied. Ca permet déjà de réussir un cadrage précis, et on peut dès lors employer facilement un mètre dérouleur. Il faut caler son départ sur la façade avant de l’appareil, c’est à partir de ce point qu’on mesure la distance. Un jeu d’enfant.
A noter que l’objectif est parfaitement calé sur les bonnes valeurs indiquées sur le bouton rotatif. On est toujours certain d’obtenir le piqué maximum si on a mesuré avec précaution. La seule inconnue, c’est quand on tombe sur une distance non répertoriée, du style 49 cm. Il faut régler au jugé entre les deux valeurs 0,4 et 0,6.
A main levée, je me contente de ma sangle home made, je conserve un taux de réussite raisonnable en étant méticuleux.
Attention au piège suivant à main levée : on a tendance à positionner ses doigts devant l’objectif, ou devant le cellule ! Occasionnant de magnifiques ratés particulièrement frustrants. Pour éviter cela, j’ai confectionné des reliefs « garde-fous » sur l’étui.
Je me prends à rêver de versions grand angle et télé aussi performantes… qui n’arriveront jamais ! La focale standard ne permettant pas de gérer toutes les situations.
Sur trépied, il y a une légère tendance à un manque de rigidité de l’adaptateur. J’ai déjà eu des bougés même en absence de vent, rien qu’en utilisant un déclencheur souple un peu raide. J’utilise maintenant un long déclencheur, très souple, et ça va mieux.
Petit piège de cet adaptateur : l’appareil n’est pas totalement d’équerre par rapport au trépied. C’est légèrement penché. Du coup, je me retrouve à emporter un mini niveau à bulle que je cale contre le boîtier.
Et puis, sur trépied, l’adaptateur fournit un cadrage naturel en vertical. On ne peut pas considérer ça comme un défaut, mais il est de fait que beaucoup d’images se composent en horizontal, et ça oblige à basculer la tête du trépied.
J’ai remarqué une propension de mon premier exemplaire à se replier légèrement en cadrage vertical (sous la gravité), ce qui empêche le déclenchement. Il faut le tirer à fond juste avant la photo !
Pour résumer, pas mal de petits défauts agaçants, mais dont on s’accommode très facilement. Sur le terrain, les choses sont simples : on cadre, on mesure la distance, on déclenche.
Le seul point qui gêne en permanence, je le redis, c’est le cadre de visée. Mais tout cela est compensé lorsque l’on découvre la qualité des négatifs.
Voilà bien souvent comment l’on voit (mal) le cadre de visée : un cadrage précis n’est jouable que sur trépied. Conseil : placer une main dans le champ, le cadre ressort mieux sur fond uni. Par petites touches, on estime bien le champ. Sortir son mètre ruban pour faire le point (ici : 1 mètre) et reporter la valeur sans oublier de revérifier le cadrage, à cause de l’erreur de parallaxe.
Charger ses propres films dans les cartouches dédiées
Les cartouches Minox sont formées de deux cylindres reliés par un pont. Le film est simplement enroulé serré dans un des cylindres, qui ne possède pas d’axe central. Il sort du cylindre pour aller rejoindre celui d’en face. Dans celui-ci se trouve un axe d’entraînement sur lequel est scotché le départ du film.
Les cylindres sont munis de lèvres en velours censées les rendre étanches à la lumière. Et chacun possède un couvercle clipsable, heureuse initiative qui va rendre les cartouches réutilisables.
Comme déjà dit, le plus simple est d’acheter son premier film chez Fotoimpex, tant qu’à faire, un bon film noir et blanc 100 ISO (Delta 100) que vous pourrez utiliser pour vous familiariser avec ce nouveau monde. Ceci va vous permettre de posséder une première cartouche et sa boîte étanche (très important pour la suite).
Découper les films à la bonne taille
Vous pouvez toujours vous contenter d’acheter de nouveaux films tout prêts, mais à 30 Euros l’unité hors frais de port, vous allez assez vite vous décourager, sans pouvoir profiter de l’Adox.
La solution est de découper soi-même des bandes de film de la bonne largeur pour recharger les cartouches.
Deux solutions s’offrent à vous : acheter un découpeur tout prêt (plusieurs artisans en vendent, mais à des tarifs de rupin), ou bien le fabriquer tout seul.
Vous aurez compris que j’ai choisi la seconde option !
Ayant déjà construit par le passé un outil similaire pour découper du 135 en format 110 (voir mon article sur le Pentax Auto 110), je voyais assez bien comment m’y prendre. La difficulté supplémentaire, c’est que le degré de précision exigé est bien plus grand, et aussi que l’on découpe d’un seul coup deux bandes simultanément.
Au commencement, Minox s’est servi de film cinéma 9,5 non perforé qu’il a simplement mis dans ses cartouches. En réalité, si l’on mesure un film original récent, on s’aperçoit qu’il fait exactement 9,2 mm de large. 9,5 mm est encore possible, mais au-delà, le moindre dixième supplémentaire occasionne un blocage à l’avancement. C’est pourquoi il faut viser les 9,2 mm, pas plus.
9,2 mm, c’est très précis… Par chance, je dispose d’un pied à coulisse de précision (au 100e de millimètre), il va bien servir.
L’idée est de contraindre un film sorti d’une cartouche 24X36 à passer dans un couloir de 35 mm de large exactement. Au milieu de ce couloir se trouvent trois lames de rasoir espacées de façon à sortir deux bandes de 9,2 mm (et avec deux autres bandes à jeter correspondant aux perforations restantes). Pour que l’opération se déroule bien, il faut confectionner un presseur afin d’obliger le film à rester sur les lames, et un bobineur à manivelle à la sortie, dans le but que le film découpé ne se transforme pas en un plat de spaguettis !
On accroche simplement l’amorce du film avec un adhésif sur l’axe de l’enrouleur, et dans le noir, on actionne la manivelle tout en appuyant sur le presseur. Si tout se passe bien, le film se retrouve découpé et enroulé sagement sur toute la longueur.
Ca, c’est la théorie. En pratique, j’ai eu de grandes difficultés, à la fois de construction et d’utilisation.
Le premier problème, c’est d’atteindre les 9,2 mm sur les deux bandes. Il faut choisir des plaques de PVC de 5 et 2 mm, puis intercaler des feuilles de 0,1 mm pour l’ajustement fin. Le second, c’est d’obtenir un couloir d’exactement 35 mm de large. Trop étroit, le film coince et se tuile, trop large, il se balade.
Il faut régler le bazar en utilisant des bandes de papier de 35 mm de large en guise de film, ça vous évitera de sacrifier de la pellicule.
Le couloir est recouvert de suédine, du daim artificiel qui ne raye pas les films. Soyez très attentif à l’absence de poussières.
Premier piège dans lequel je suis tombé : attention à faire avancer suffisamment le film afin que l’amorce soit complètement passée en aval des lames. Sinon, cata garantie. Appuyer fermement et constamment sur le presseur, sans jamais relâcher la pression, tout le long du film, sinon, vous aurez une interruption de la découpe au beau milieu !
Une fois tout le film passé, il faut arracher les bandes perforées, et rembobiner les deux bandes à garder dans la cartouche. Evidemment, tout ceci a lieu dans le noir…
Attention au piège : avancer le film jusqu’à ce que l’amorce ait entièrement dépassé les lames. Photo 1 : Pas bien ! Photo 2 : Bien !
Recharger la cartouche
L’opération est délicate, car il faut éviter au maximum de rayer le film. Je vous conseille de vous procurer en pharmacie des capotes de doigts. C’est bien plus précis que des gants en latex. Vous les mettez sur les trois doigts principaux des deux mains. Les deux autres doigts libres vous permettent de garder intacte votre sensibilité au toucher pour les phases délicates.
L’idée est de charger deux films en même temps, la gestion est plus simple. Vous devez donc disposer de deux cartouches opérationnelles avec leur boîte.
Le film ne doit jamais voir la lumière, même quand la cartouche est chargée. En effet, j’ai noté d’importantes fuites de lumière sur certaines d’entre elles, flinguant les dix premières photos. Je ne sais pas si c’est l’Adox CMS dont la conductivité à la lumière est connue, ou bien tout simplement un souci de cartouche défectueuse ?
Pour ouvrir plus facilement les deux couvercles, je vous conseille de limer très légèrement les encoches des clips, sinon, vous allez batailler ferme, en risquant de casser le très fragile plastique.
Pour charger un film de 36 poses, il faut dérouler 58 cm de film (longueur mesurée sur un film Minocolor original). Le moyen le plus simple pour y parvenir est de fabriquer une règle de 58 cm dans une plaque de Forex. On y pince à une extrémité les deux entames de film, et on déroule jusqu’au bout. Il suffit de couper à l’autre extrémité.
Pour déclipser le couvercle, pincer légèrement le cylindre. Y aller délicatement, c’est très fragile. On peut user légèrement à la lime les petits ergots pour faciliter le travail, mais pas trop !
Pour savoir quelle longueur de film découper dans le noir, il faut se confectionner une règle-gabarit de 58 cm de long. Pincer l’extrémité (pas de souci de rayer, ce sera l’amorce), et dérouler la cartouche jusqu’au bout. Puis découper, en retenant le film afin de l’empêcher de se tortiller. Les gants sont indispensables.
Voici ce qui arrive quand on a une cartouche pas complètement étanche, et qu’on la charge dans l’appareil « en lumière atténuée ».
Ensuite, vient la partie très délicate : il faut scotcher le film sur l’axe récepteur.
Avant d’éteindre la lumière, préparez le dispositif suivant :
Découper dans du scotch une bande (de trois centimètres à la louche) moins large que la hauteur de l’axe, et en fixer le début sur le cylindre. Attention au sens du cylindre, et au parfait alignement du scotch sur celui-ci. L’idée est d’obliger l’adhésif à marquer une courbe sur sa partie libre, en se servant de son ongle (comme pour faire des serpentins sur du bolduc avec des ciseaux).
Utiliser une plaque de verre de taille carte postale environ. Fixer le tout sur le verre, avec de la Patafix sur la partie opposée au scotch.
La plaque va servir à aligner le film parfaitement perpendiculairement au cylindre. Cette opération est essentielle, car si vous scotchez de biais, le film va coincer dans sa cartouche. Idem s’il est positionné trop haut ou bas sur le cylindre.
Il faut donc prendre garde à faire en sorte que le rouleau de film soit toujours bien en contact avec le verre, ce qui garantit son orientation parfaite. Je vous laisse regarder les images pour la suite.
On voit que ce n’est pas simple… Imaginez dans le noir !
Une fois le cylindre fixé au film, il faut prendre l’autre extrémité, et marquer un léger pli, afin de faciliter son enroulement très serré. Puis enrouler, en s’arrêtant deux centimètres avant le cylindre. Mettre d’abord la partie enroulée dans le logement de droite, puis la suite en face. Refermer la cartouche. Ne pas rallumer, mais la mettre dans l’appareil ou dans sa boîte. Toutes ces opérations s’effectuent avec des capotes de doigts !
Et voilà, vous savez maintenant comment faire les meilleures photos possibles avec un Minox. Je vous souhaite plein de plaisir avec cet appareil fantastique.
Pour aller plus loin, n’oubliez pas de voir mon article sur le démontage d’un Minox C :
Et aussi ma page de chefs-d’œuvre du Grand Maître au Minox (c’est moi). Dépêchez-vous de la consulter, il faut laisser de la connexion pour les mécènes qui se bousculent :
Beau travail ! Et quelle patience ! Le résultat est spectaculaire ! Bravo !!!!
Un grand merci pour avoir lu et apprécié mon article!
Salut Tristan,
pour l’utilisation de vieilles pellicules périmées, je suis totalement de ton avis, bien que je connaisse une personne très bien qui tenait à utiliser une pellicule de 1942 contemporaine d’un vieux Contax II…
Au lycée, j’avais développé une bobine de Kuni (12 vues 14 x 14) dans un tube de PVC à la manière des cuves verticales…
Les premiers Minox étaient prévus pour des films de 50 vues (La cuve Riga aussi)…
Maintenant, si tu dépasses 36, l’escargot a fait un tour complet et ne compense plus l’épaisseur du film enroulé. (Michel Simon n’avait pas lu le mode d’emploi de son Riga, et sur les films que j’ai de lui, des images se chevauchent et les espacements ne sont pas corrects…)
Merci beaucoup d’avoir lu mon article sur le Minox, et aussi pour ton commentaire : en effet, dès qu’on dépasse les 36 poses, les vues ne sont plus espacées correctement, elles deviennent brutalement trop éloignées les unes des autres. J’en ai fait l’expérience « pour voir »!
Mais au moins, elles ne se chevauchent pas, et on peut gagner trois ou quatre vues. Avec le bémol de devoir déclencher à vide quasi un tour complet pour ramener le compteur à zéro pour le film suivant!
Du coup, aujourd’hui, je m’arrête à 36, pour ne pas fatiguer la mécanique, tant pis pour les trois vues non utilisées.
Bonjour Tristan,
J’ai lu ton article en une seule fois, minutieux, détaillé et pédagogique, extraordinaire !!!
J’admire ton travail et ton amour pour la photographie. Je tiens à te remercier de faire tant de choses exceptionnelles pour la photographie, ma passion.
Un grand merci pour ton commentaire! Venant d’un spécialiste reconnu comme toi, cela me touche énormément!
Très bon papier, vous êtes allez au fond de l’affaire, et les résultats sont étonnant ! Bravo, il ne me reste plus qu’à trouver un minox C.
Unique,cet article serait top dans le défunt magazine cyclope !
Salut cher Tristan,
tu es avant tout doué d’une extrême patience !
Je te félicite pour tes recherches, j’avais pour ma part abordé le sujet il y a 2 ans avec le personnel de la DGSE et de la DGSI sur le réseau Linkedin,
puisqu’à la fois photographe et DG le l’Institut du Spatial Européen 3i3s-Europa Aéronautique & Satellites Défense…
Mais je n’ai pas poussé jusqu’à ton investigation, cher « James » !
Par contre la prochaine fois que j’échangerais avec eux je leur donnerais le lien de ton Blog.
Minox existe encore pour d’autres produits, je l’ai découvert hier :
https://www.minox.com/fr/hunting/Products/Trail-Camera/
J’ai beaucoup appris sur ton travail, à très vite,