Le Yashica 24, l’exploiter au mieux aujourd’hui.

Un beau cadeau...

Le Yashica 24, ça ne me disait rien ou presque, jusqu’au jour où un copain m’a annoncé qu’il comptait me donner un appareil ancien dont il ne savait pas quoi faire. Habituellement, je suis assez méfiant avec ce type de bonne intention, car on me refile généralement des nanars en croyant bien agir.

Mais il y a des exceptions…

Et quand j’ai découvert le cadeau de Sam, la surprise a été énorme! Un magnifique Yashica 24, en très bel état, même pas oxydé, aux lentilles impeccables et parfaitement opérationnel! Tellement beau que j’ai été très gêné, j’ai bien tenté de lui expliquer que cet appareil avait de la valeur en revente (autour de 200 Euros), mais il a insisté pour me le donner. 

Alors, un immense merci à toi, Sam!

Ce Yashica, c'est quoi?

C’est un appareil TLR de format 6X6. TLR pour Twin Lens Reflex (reflex bi-objectifs, dont l’un sert à la visée, l’autre à la prise de vue).

Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre où Yashica a trouvé son inspiration… C’est une copie conforme du Rolleiflex, ce prestigieux appareil, compagnon de grands noms de la photo, comme Raymond Depardon, Helmut Newton, Vivian Mayer, ou Robert Doisneau.

C’est donc fortement inspiré, mais sans pour autant être un clone au rabais. Du métal partout, bien usiné, l’ensemble dégage une impression de qualité, avec un bon niveau de finition pour l’époque. La platine frontale chromée est particulièrement seyante. Mais on n’atteint tout de même pas le raffinement du Rolleiflex, soyons réalistes!

Un appareil qui a bien du charme.

La famille des TLR Yashica

Datant du milieu des années 1960, le Yashica 24 vient compléter le Yashica 12 sorti peu avant. Ces chiffres signifient que le modèle 12 accepte les films au format 120 (et donnant 12 poses en 6X6), alors que le modèle 24 accepte les films au format 220 (donnant 24 poses 6X6).

La différence entre les films 120 et 220 tient à l’absence pour ce dernier de papier sur toute la longueur du rouleau, qui est présent uniquement au début et à la fin du film, et pas entre les deux. En revanche, cela libère de la place sur la bobine pour y loger une longueur de film deux fois plus importante. Voilà pourquoi on peut faire le double d’images en 220. Mais fondamentalement, en-dehors de cette histoire de papier et de longueur, 120 et 220 sont identiques.

Yashica, conscient du côté peu rationnel à faire cohabiter deux appareils différents, a très vite abandonné les 12 et 24, au profit d’un unique modèle 124 acceptant à la fois du 120 et du 220 (par pivotement du presse-film). Puis, encore plus tard, le 124 a donné naissance au Yashica Mat 124G, qui est l’aboutissement ultime des TLR de la marque (mais qui reste très proche du 24 quand même).

Le tour du (nouveau) propriétaire

Comme son mentor, on retrouve la disposition typique du diaph et de la vitesse, entre les deux objectifs, de part et d’autre.

Quand on tourne les molettes, on voit les chiffres défiler dans une fenêtre visible par le haut.

Cette disposition est pratique, mais les indications ne sont pas toujours bien lisibles, par manque de contraste entre le support chromé et la couleur des chiffres (rouge pour les vitesses, jaune pour les diaphs). Plus tard, Yashica peindra en noir le support, une bonne idée.

Les molettes sont un poil dures, mais c’est fonctionnel.

L’obturateur monte au 1/500e et descend à la seconde, plus la pose B.

L’objectif ouvre à 3,5, et a une position F4 normalisée. Ensuite, c’est comme d’habitude, jusqu’à F32. Sa focale de 80mm est standard.

On trouve à main gauche la molette de mise au point. Graduée en mètres et pieds, avec table de profondeur de champ. La focalisation descend à 1 mètre, ce qui est franchement insuffisant, voire handicapant. Mais on se console en se disant que la plupart des TLR sont logés à la même enseigne (y compris le Rolleiflex). Il existe des bonnettes pour mise au point rapprochée, mais ça dégrade la qualité, et vous aurez une erreur de parallaxe entre les deux objectifs.

1- La façade. En rouge, le retardateur, en jaune le sélecteur de synchro-flash (X ou M). 2- La fenêtre du diaph et de la vitesse. 3- La molette de mise au point.

Le viseur

Au sommet de l’appareil, se trouve le viseur, qu’on dévoile en soulevant le capot. Son déploiement est agréable, car les deux parties se meuvent automatiquement sans effort.

Le dépoli n’est ni très piqué, ni très lumineux, mais c’est dans la norme de l’époque. Il y a quand même une fresnel qui évite les angles trop sombres. On trouve un quadrillage bien utile, mais le stigmomètre et les microprismes manquent à l’appel, et de fait, il est assez difficile de faire une mise au point précise, malgré la présence de la loupe rétractable.

Je perds beaucoup de temps à la focalisation, et ça interdit les photos sur le vif, à moins d’accepter une imprécision.

Il y a aussi un viseur dit « sportif » mais je doute que vous vous en servirez… sauf si vous aimez les photos floues!

 

1- Le dépoli quadrillé. 2- La loupe de mise au point rétractable. 3- Le viseur sportif.

La manivelle d'avancement

Grand classique des TLR, la fameuse manivelle d’avancement du film.

On ouvre le dos, puis on charge le film jusqu’au repère, enfin on ferme le dos.

Ensuite, on avance le film avec la manivelle, jusqu’à la vue 1 (il y a un blocage automatique). Vous vous approchez de votre sujet favori, et le désarroi s’empare soudain de vous, car le boitier refuse de déclencher. Mais je suis là.

C’est qu’il y a une astuce… En effet, la manivelle sert à la fois à avancer le film, et à armer l’obturateur, mais les deux actions sont séparées. Sitôt la manivelle tournée dans le sens des aiguilles d’une montre (jusqu’au stop), il faut la tourner dans l’autre sens pour armer l’obturateur (1/2 tour), jusqu’à un petit cran! C’est plutôt déroutant, mais on s’y fait.

1- Manivelle en position de rangement. 2- Manivelle opérationnelle. 3- Le compteur de vues, qui va jusqu’à 24.

Le dos

A la base de l’appareil, on trouve le verrou de fermeture du dos. Il est muni en son centre d’un écrou de pied au pas Kodak standard. Sa mécanique est originale, puisque le dos est fermé par un système de levier qui vient tirer l’ensemble vers la caisse.

Il y a quatre picots servants à maintenir le Yashica bien droit quand on le pose sur un plan. Hélas, ces éléments viennent buter sur le plateau du trépied. Il faut donc soit tourner un peu l’appareil, soit trouver un élément plat à intercaler.

Une fois ouvert, on découvre le presse-film, qui mentionne bien d’utiliser du 220…

Attention, le dos est muni de cordelette noire collée au fond de gouttières tout du long, garantissant l’étanchéité à la lumière. Habituellement, vous n’avez pas à la changer, car elle ne se détériore pas. En revanche, sur les petits côté du dos, on trouve des mousses. Celles-là, il faut impérativement les remplacer. J’avais négligé ce point, et j’ai eu des entrées de lumière.

1- Le fermoir et son écrou de pied. 2- Le dos avec son presseur spécial 220. 3 et 4- Les mousses nouvellement remplacées. 5 et 6 : Ce qui vous attend si vous ne les remplacez pas. Le risque de voile est particulièrement sensible en 220, le film n’étant pas protégé par le papier.

La chambre

On y trouve en partie supérieure le logement pour la bobine vide réceptrice (vous aurez pris soin d’en garder une si l’appareil est livré sans). Et en partie inférieure, le logement pour le film neuf.

Entre les deux, la chambre d’exposition. Elle est peinte d’un noir pas très mat… alors j’ai amélioré la situation en la peignant avec de la peinture Ultrablack 2.0 et 3.0. Cette peinture est vendue comme étant la plus noire du marché (en dehors du black d’Anish Kapoor, dont il a la jouissance exclusive), avec plus de 99% d’absorption de la lumière (sans doute un peu exagéré…)

C’est toujours ça de gagné pour le contraste.

On remarque le repère de départ (petit triangle rouge) servant pour le 220.

La chambre, repeinte en noir beaucoup plus dense. A droite, le palpeur indiquant au boitier quand le dos est fermé. Si on l’ouvre, le compteur se remet à zéro.

Le posemètre

L’appareil est doté d’une cellule intégrée, qui fonctionne classiquement avec deux aiguilles qu’il faut faire coïncider, soit en variant le diaph, soit la vitesse, soit les deux.

Ce posemètre a besoin d’énergie, fournie par une pile 1,35 V au mercure. (le boîtier, lui, est tout mécanique, et se passe de courant).

Détail intéressant : la consommation d’énergie est très faible, car la cellule se met sous tension seulement tant qu’on appuie sur le bouton rouge situé sur le côté de l’appareil. D’ailleurs, quand j’ai récupéré le Yashica, il avait toujours sa pile d’origine, et elle était fonctionnelle!

Malheureusement, cette référence n’est plus produite aujourd’hui. Cependant, il existe plusieurs solutions de remplacement, comme par exemple, l’emploi d’un adaptateur MR-9 (qui a la forme de la PX625 d’origine, mais qui possède un emplacement pour une SR-44 standard, tout en abaissant la tension à 1,35 V).

Hélas, le logement de la pile, sur le Yashica 24, est si étroitement ajusté, qu’il n’y a aucune tolérance. Et il se trouve que le MR-9 est un peu plus épais que la pile d’origine. Conséquence : impossible de visser le bouchon! Il faut le tenir avec de l’adhésif…

Bon, ce n’est pas trop grave, car la cellule est de toute façon plutôt imprécise, alors je m’en passe, préférant utiliser ma cellule à main.

1- La cellule du Yashica, dont on voit l’œilleton. 2- La fenêtre du posemètre, visible d’en haut. 3- Le bouton de mise en route. 4- L’adaptateur MR-9, recto-verso.

Le déclencheur

Celui-ci a une course bien longue, et ce n’est pas très agréable, car on ne sent aucun signe avant-coureur du départ de l’obturateur. Alors on pousse tout doucement, tout doucement… jusqu’au déclic. Mais en réalité, c’est un mauvais plan, car j’ai constaté que si l’on agit ainsi, parfois l’obturateur se coince et reste ouvert durant une ou deux secondes, ruinant la photo. On croit avoir réussi, alors que non!

Il vaut donc mieux y aller plus franchement, sans hésiter, mais sans pour autant faire bouger l’appareil.

Yashica nous réserve aussi une petite surprise, car il n’y a pas de solution intégrée pour déclencheur souple! Néanmoins, on trouve un pas de vis externe autour du bouton, caché par un anneau vissé. A partir de là, vous avez deux possibilités :

– Dénicher un déclencheur spécial, avec fixation femelle.

– Trouver un adaptateur pour pouvoir utiliser un déclencheur standard.

Par un hasard inouï, il se trouve que j’avais déjà un adaptateur qui traînait dans une boîte d’objets de récupération. Il se visse autour du déclencheur.

Sauvé… mais un peu ennuyé quand même, car je ne savais pas trop quoi faire de cette pièce volante prête à se perdre à tout moment. J’ai eu l’idée de confectionner un système de rangement, qui rend la pièce solidaire du boîtier en la fixant au support de flash. Bien pratique. Et pour ne pas perdre l’anneau d’origine, je l’ai scotché à l’intérieur du boîtier.

Attention avec cet adaptateur : étant très proéminent, et situé fort près de l’objectif, il faut bien prendre soin que le déclencheur ne rentre pas dans le champ de la photo.

1- Le déclencheur, avec l’écrou esthétique enlevé. 2- L’adaptateur en place. 3- Mon support bricolé en résine. L’objet se visse dedans. 4- Monté sur la griffe flash. 5- Le meilleur endroit pour y fixer l’écrou afin de ne pas le perdre (mais en vérité, il sert juste à faire joli).

Le pare soleil

Malheureusement, mon Yashica m’est arrivé tout nu, et donc, sans pare soleil.

Les cailloux sont traités multicouches, et se comportent plutôt bien en contre-jour, mais c’est toujours mieux d’avoir une protection.

Par chance, Yashica a doté ses objectifs d’une monture à baïonnette commune à la plupart des TLR (même Rollei), et c’est très facile de trouver un pare soleil. Mais un rapide coup d’œil sur Ebay m’a dissuadé d’en trouver un original. Ca vaut une fortune!

Ouf, plusieurs vendeurs proposent des productions « maison » imprimées en 3D. C’est un peu artisanal et pas très joli, mais ça fait parfaitement l’affaire… pour une dizaine d’euros!

Seul le pare soleil pour l’objectif de prise de vue est utile, pas besoin d’en avoir deux (et on ne pourrait pas les monter ensemble).

En revanche, si on a l’étui cuir d’origine, il n’y a pas la place pour laisser l’appareil avec cet accessoire monté. Pas très pratique de le démonter à tout coup.

Il existe aussi des bouchons d’objectifs dans la même veine. Je ne les ai pas encore achetés, mais c’est dans les tuyaux.

Le pare soleil imprimé en 3D filaire, trouvé sur Ebay.

Moche, mais solide et pas cher. Il tient bien, et remplit son office.

Le problème du film 220

Il est certain qu’il est impossible de charger un modèle 12 avec du film 220, tout simplement parce que le compteur de vues s’arrête à 12 poses, et que le presse-film ayant été calibré pour du film additionné de son papier, il serait trop lâche pour caler l’émulsion pile dans le plan de focalisation.

En revanche, qu’en est-il de charger notre modèle 24 avec du 120? Qui peut le plus peut le moins?

Déjà, pourquoi ne pas tout simplement charger un film 220 comme c’est prévu? Tout bêtement parce que ça n’existe plus! Nos grands fabricants ont arrêté de produire du 220 depuis plusieurs années déjà, alors cette stratégie n’en est plus une, sauf à trouver des stocks de films périmés.

La solution qui nous reste, c’est d’employer du film 120 dans cet appareil « pas prévu pour ».

Quand on y réfléchit, quel risque prenons-nous? 

Le presse-film adapté au 220 sans papier, est logiquement plus rapproché qu’en 120, mais de quelques fractions de mm. Compte tenu du fait que la plaque est tenue par des ressorts, il n’y a pas grand risque à tenter le coup, au pire, le film sera un peu plus dur à avancer, mais sans danger.

Peut-il y avoir un problème de planéité? Je me dis que non, le film étant de toute façon contraint de rester au bon endroit à cause de la fenêtre et de ses rails de guidage. On va voir si cette intuition était juste.

Il se trouve également qu’à l’ouverture du dos, on découvre que Yashica a prévu (sans trop en faire la publicité) un second repère de chargement pour du film… 120! Donc, notre Yashica 24, normalement uniquement dédié au 220, serait en plus en mesure de dérouler du 120?

Le repère de départ pour film 120, discrètement ajouté en cours de production du Yashica 24.

Premier film

Fort de cette découverte, et après avoir vérifié que le boitier est bien opérationnel, je charge un film 120 Ektachrome E100 VS issu de mon congélo.

Griller un film diapo est un bon moyen de vérifier que l’obturateur est en état, de par sa tolérance quasi nulle aux erreurs d’exposition.

De retour du labo, je constate dès le départ que les vues sont bien exposées. Un très bon point. Mais je dois dire que bien que la cellule intégrée semble fonctionner (moyennant une tendance à la surexposition), j’ai préféré faire confiance à mon moderne posemètre à main Sekonic L-408.

Un examen rapide au compte-fil m’a révélé des vues nettes et contrastées. Le petit Yashinon à 4 lentilles semble pas mal, malgré mes craintes, qui m’a fait préférer diaphragmer le plus possible (entre 11 et 16) pour optimiser la qualité. Mais j’ai fait quelques images aussi à 5,6, histoire de voir.

Puis vient l’étape de la numérisation (avec mon APN), dont la résolution permet de distinguer clairement les défauts.

Et là, j’ai eu la surprise de constater qu’une majorité de vues était un peu molle, mais curieusement, seulement au centre, les angles étant plus nets. Voilà un résultat étonnant, car habituellement les optiques ont un rendement meilleur au centre.

Pas de doute, c’est un peu flou au centre, et piqué dans les angles. Mais certaines images sont parfaites cependant (notamment une faite à 5,6).

Le Yashica 24 en action. Ektachrome E100 VS. Je n’avais pas encore remplacé les mousses du dos, et pourtant, pas de fuites de lumière. Merci au papier protecteur du 120!

J’attribue dans un premier temps ce souci à un défaut de calage entre l’optique de visée et de prise de vue.

Pour en avoir le cœur net, je réalise le test suivant :

Ouvrir le dos, et placer un dépoli en lieu et place du film. Puis en pose B, l’objectif à pleine ouverture, faire un point précis sur ce dépoli, en visant un sujet éloigné (l’immeuble d’en face). Puis comparer la netteté avec le dépoli du boîtier. Cette méthode est empirique, mais elle met tout de suite en évidence un éventuel décalage entre les deux objectifs.

En pratique, ce n’est pas si simple, car le dos contient l’écrou de pied. On ne peut donc immobiliser confortablement l’appareil sur trépied.

Par ailleurs, il faut penser à armer l’appareil (en actionnant la manivelle dans un sens, puis dans l’autre) avant d’ouvrir le dos, car une fois celui-ci ouvert, cela détend un palpeur qui empêche d’armer l’obturateur.

Comme l’appareil n’est pas fourni d’origine avec un pas de vis standard pour déclencheur souple, le plus simple (si vous n’avez pas ce qu’il faut) est de scotcher le déclencheur pour avoir le temps d’examiner tranquillement le dépoli.

Ce dépoli doit être parfaitement plan. Mais il suffit de trouver un bout de plexi découpé à la bonne taille, et de plaquer dessus un papier calque (le moins granuleux possible) pour s’en confectionner un facilement. Mettre la partie calque tournée vers l’objectif.

J’ai donc pu mener à bien ce test, et j’ai constaté une parfaite correspondance de mise au point entre les deux objectifs. Aucun décalage.

Je commence à soupçonner un souci de planéité du film, sans trop comprendre d’où ça vient.

Avec ce simple test, j’ai pu vérifier l’absence de décalage entre les deux optiques.

Nouveau film couleur, j’effectue un petit test sur sujet plan. 3 vues : l’une à 3,5, la seconde à 8, puis F-16.

Le résultat montre très clairement que le centre est flou alors que les coins sont meilleurs. Le problème diminue à mesure qu’on diaphragme, grâce à l’augmentation de la profondeur de foyer.

Le test sur sujet plan, à 3,5, 8 et 16. Résultat sans appel. Notez au passage la très légère distorsion en coussinet, peu gênante en pratique.

Désormais, je pointe de plus en plus un défaut de planéité du film. Mais pour en être certain, il me faut essayer un vrai 220, c’est la seule manière de comparer. Accessoirement, il va me permettre d’étudier comment c’est fait, un 220.

Mais ce n’est pas facile à trouver… Mes recherches sur le web pour dénicher un rouleau périmé ont été vaines (à coût raisonnable), mais au détour d’une page, j’ai découvert qu’une marque chinoise commercialisait à nouveau ce format! Miracle!

Et ce miracle a pour nom Shanghai GP3, format 220.

Une fois ce précieux film arrivé chez moi, je le charge et l’utilise. Je m’aperçois déjà que l’amorce d’un 220 est 17 cm plus longue qu’un 120, ce qui est logique : il faut plus de papier au départ pour protéger de la lumière le film sous-jacent.

Je vous passe comment s’est déroulé la marche du Shanghai GP3 (ça fera l’objet d’un article), tout ce que je peux vous dire, c’est qu’une fois le film développé, j’ai eu la bonne surprise de constater une amélioration spectaculaire du piqué!

Le problème de flou provenait donc bien d’un souci de planéité.

Le résultat du test. Qualité désormais inespérée! La pleine ouverture est particulièrement impressionnante. Ne pas tenir compte des multiples taches et rayures, imputables à la mauvaise qualité du film Shanghai GP3.

Ce petit Yashinon est désormais d’une surprenante qualité, et n’a pas trop à rougir de son prestigieux modèle allemand :

  • C’est très bon dès la pleine ouverture, sur une bonne partie du champ, avec des angles un peu doux, mais rien d’horrible. Très peu de vignettage. Quand j’ai examiné le négatif, j’ai cru qu’il s’agissait de l’image prise à F8…
  • Dès 5,6, la qualité est superbe, c’est étonnant.
  • Et ça s’améliore encore à mesure qu’on diaphragme, jusqu’à obtenir une image parfaite (même dans les angles) à partir de 11. Magnifique.
  • Traitement multicouches très efficace. Le contraste est bon, et les contre-jours sont remarquablement exempts de flare. 
  • Il y a quand même un résidu de distorsion, assez discret cependant.

Vraiment, une excellente surprise, cet objectif! Quel soulagement!

Ceci m’amène à conclure que définitivement, seul un film sans papier protecteur comme le 220 peut laisser s’exprimer le plein potentiel de l’objectif.

Sans doute à cause de l’architecture et de la conception de l’appareil. Du reste, le grand Rolleiflex souffre aussi de défauts similaires, j’ai ouï-dire.

Et c’est aussi valable pour les Yashica 12, Mat et autres 124G : plusieurs tests sur le net mettent en évidence une baisse de rendement au centre des images (même avec le presseur bien réglé pour le 120). Et comme ils sont équipés du même objectif que le modèle 24, cela explique les avis mitigés de certains utilisateurs qui recommandent de surtout shooter à partir de 11. Quel dommage de ne pouvoir profiter de toute la qualité de l’objectif!

Donc format 220 obligatoire!

Et c’est là qu’on retombe sur le problème de la disponibilité du 220. Car en-dehors des films Shanghai (dont la qualité laisse franchement à désirer sur bien des plans), sommes-nous condamnés à n’utiliser que des films périmés achetés à prix d’or?

 

Il y a une solution!

Et elle s’appelle : transformer dans le noir un film 120 en pseudo film 220, par la suppression de son papier protecteur, sauf en début et fin de bobine! Pas de panique, ce n’est pas si difficile.

Voici la marche à suivre :

Se munir de son film 120 préféré.

Avoir avec soi un axe vide, un rouleau de scotch et une paire de ciseaux.

Dans l’obscurité totale, enrouler le film sur l’axe vide, à la main.

Arrivé en bout de rouleau, retourner l’ensemble pour se mettre côté film.

On s’aperçoit que ce dernier n’est pas accroché au papier. On l’empêche de se plaquer à la bobine en le retenant du doigt.

Le fixer au moyen de ruban adhésif, en se servant d’un morceau plus grand que sur la photo! C’est la partie la moins facile à réaliser sans rien voir.

Retourner le tout pour couper le papier juste après la zone scotchée. Attention à ne pas rayer le film, ni le couper.

Je n’ai pas fait de photo de cette étape, mais ajouter un second morceau d’adhésif de ce côté aussi (sinon, l’amorce qui dépasse va se prendre en fin de rouleau dans le presseur de film. Vous en serez quitte pour décharger l’appareil au noir).

Puis enrouler le film nu sur la bobine de gauche, en prenant soin de bien laisser le papier s’enrouler à part.

On notera que le film est légèrement plus étroit que le papier. Il y a un petit jeu d’1,5 mm entre les flasques de l’axe.

On pourrait penser que c’est pour éviter le voile, mais non, car il se positionne naturellement soit tout contre un coté de la flasque, soit tout contre l’autre, jamais au milieu.

Arrivé au début du film, couper le papier juste après l’adhésif du fabricant.

Pour info, voici l’aspect de l’adhésif du fabricant (côté émulsion du film).

Inutile de mettre de l’adhésif de ce côté.

Finir d’enrouler l’amorce. Et c’est fini.

Si vous ne comptez pas utiliser le rouleau immédiatement, scotcher l’entame pour le maintenir bien serré.

Je vous conseille de ne pas l’exposer trop à la lumière, car l’amorce d’un film 120 est 17 cm plus courte qu’un 220… Pour ma part, je le charge tout de suite, presque dans le noir (juste assez de lumière pour deviner les formes).

Pour mémoire, voici un aperçu de la longueur des amorces de départ (en jaune et blanc), et de fin (en rouge).

L’amorce de début de bobine est plus longue, car elle tient compte de la longueur consommée pour charger les appareils (cette longueur varie beaucoup d’un modèle à l’autre).

Encore une fois, l’amorce de fin est plus courte en 120 qu’en 220. Je vous conseille donc d’éviter de mettre le film en pleine lumière une fois terminé. En ce qui me concerne, je décharge l’appareil au noir, et le mets ensuite dans la cuve de développement.

Mais peut-être que toutes ces précautions sont inutiles?

Ce serait bien, car on pourrait les envoyer dans un labo du commerce (pour la couleur). Je pense que si l’on s’y prend au mieux, ça devrait marcher.

Chargement de l'appareil avec ce faux 220

 Pour charger l’appareil, se placer en forte pénombre (on doit « mal voir »).

Comme le rouleau est un faux 220, il ne faut pas tenir compte des repères pour 220, mais utiliser celui pour le 120 (flèche rouge).

Mais si vous alignez le film sur ce repère, en fin de bobine, il y aura moins de longueur d’émulsion et vous risquez de mettre votre adhésif sur la dernière vue. Je vous conseille donc d’arrêter le film un peu avant le repère (flèche verte).

Sur cette simulation (n’ouvrez plus votre appareil une fois le film chargé!!), on voit sur la photo 1 qu’il n’y a que 1,5 cm de film vierge avant la première vue, et sur la photo 2, c’est à peu près autant après la dernière vue.

Un dernier mot

Vous voilà paré pour profiter pleinement du piqué qu’autorise votre Yashica 24 (mais ce tuto est aussi valable pour les 124 ou Mat 124G).

Cet appareil est très attachant, et je suis toujours impressionné par la qualité des images qu’il ramène. Il n’a pas à rougir de son collègue plus célèbre, et il a les mêmes possibilités… et limites.

Car je dois à la vérité de dire que le potentiel photographique de l’engin est assez restreint. De par le cadrage carré qui, quoiqu’en disent les adeptes, est une contrainte (très difficile, par exemple, de sortir une bonne image d’un personnage en pied, ou d’un paysage). Ensuite, la focale de l’objectif, qui est toujours soit trop longue (en paysage), soit trop courte (en portrait). Et pour finir, la distance minimale de mise au point, lointaine (1 mètre), qui interdit les gros plans. Bref, il faut vraiment trier ses sujets.

Quelques exemples. Noter le remarquable comportement en franc contre-jour sur l’image des roseaux.

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