Vous aimez les tests photo? Mais vous en avez marre des comparatifs d’appareils pareils? Ici, pas de pinaillage, on fait dans l’extrême, l’audacieux! J‘ai osé comparer le plus grand contre le plus petit du marché! Improbable, certainement, mais pas si idiot que ça en a l’air…Alors, en route pour la confrontation entre la chambre Sinar 20X25 contre le Minox 8X11!
La Sinar format 20X25 cm, version hybride P2 / Norma
La Sinar P2 est une des plus modernes et techniques parmi les chambres grand format. Fabriquée en Suisse, c’est un modèle de précision et de performance, un vrai régal à utiliser. Le format colossal permet d’enregistrer une quantité fantastique de détails, si bien sûr, l’optique est à la hauteur.
La marque suisse a toujours fait dans le meccano, c’est-à-dire que tout est pensé pour s’assembler harmonieusement, quelle que soit la version de l’accessoire ou son ancienneté. On peut ainsi marier un corps avant de P, avec un corps arrière de F, ou unir deux corps séparés par des dizaines d’années d’écart.
C’est ainsi que ma 20X25, je l’ai assemblée petit à petit, à partir d’une P2 format 4X5. J’ai acheté un corps arrière 20X25 pour Norma (l’ancienne version de la P, datant des années 60), un soufflet et des châssis au format.
Le tout est monté sur l’excellent trépied Manfrotto Triaut, avec sa monstrueuse tête 400. De quoi être stable à tout moment.
Poids : une dizaine de kilos… sans le trépied. Eh oui! C’est surtout étudié pour le studio, où la masse ne compte pas. L’utiliser en extérieur tient du masochisme. Mais quand on aime…
Comparaison entre les tailles des deux négatifs sur la table lumineuse.
Le Minox C
Il s’agit d’un des nombreux descendants du Minox 8X11 Riga originel sorti en 1938 en Lettonie. Son créateur est le fameux Walter Zapp, qui voulait un appareil miniature que tout le monde pouvait garder sur soi, comme un stylo plume. Et il avait sacrément bien travaillé, car dès le premier modèle, l’essentiel était là. Tellement bien que ses premiers clients ne furent pas uniquement des amateurs, mais des professionnels… du renseignement!
Du coup, le Minox fut très vite synonyme d’appareil espion.
Il y a de quoi : le Minox C dont il est question ici ne fait que 12 cm de long pour 100 g, et pour autant, c’est le plus long de la gamme! Il peut se planquer partout.
Le format de film est de 8X11 … millimètres. Le 24X36 fait office de géant à côté.
Toute l’architecture repose sur un objectif d’une qualité (réellement) exceptionnelle : le Minox 15 mm F/3,5 à ouverture fixe (pas de diaphragme). Je ne pourrais vous donner de mesures chiffrées (en paires de lignes par millimètre), mais ça vole très très haut.
Beaucoup de raffinements sont disponibles sur le C :
– Une mesure automatique de la lumière étonnament fiable et précise.
– Un mode manuel possible de 1/15e à 1/1000e.
– Un filtre gris neutre (-2 diaphs) qui coulisse à volonté pour éviter la surex quand la lumière est trop forte.
– Une bague de mise au point qui descend à 20 cm (unique pour un non reflex).
– Un système astucieux pour monter l’appareil sur pied en option (que je me suis empressé de me procurer).
Bémol : l’appareil nécessite une pile pour fonctionner, c’est ce qui explique sa longueur.
Je n’irai pas plus loin dans le détail de cet appareil, il fera l’objet d’un article spécifique.
Bon, les images, maintenant!
J’ai d’abord photographié à la Sinar, car je dois dire que j’étais venu pour ça. Optique Schneider 300 mm APO Symmar F/5,6 à F/22.
J’ai ensuite doublé les images au Minox, en essayant de me placer du même point de vue. Plus ou moins, car ce n’est pas du tout évident, étant donné la différence de gabarit entre les deux appareils. Le Minox a aussi eu droit au trépied et au déclencheur souple.
Les deux focales (pourtant théoriquement dites « normales ») n’ont pas tout-à-fait le même angle de champ. Le Minox cadre un peu plus large, et son format est plus allongé que le 20X25.
Tout cela combiné donne un cadrage et une perspective un peu différents.
Ensuite, les images ont été scannées à la résolution maximale permise par la surface de film, afin de tirer toutes les informations disponibles.
Les plans-films 20X25 ont été numérisés par la technique de la reproduction avec APN, mais en mosaïque. Avec un Nikon D850 (46 mpx), en 18 morceaux assemblés dans Photoshop. On obtient au final l’énorme poids de 1 Giga par image, en natif RVB 8 bits, sans aucune perte. A 100% de visualisation, on est dans le grain du film.
Les films Minox ont été numérisés avec un APN Nikon D750 (24 mpx), et un objectif macro extrême Zuiko OM 38 mm F2,8, à F 5,6. Rapport X3 environ pour cadrer l’image plein pot. Chaque image fait 65 Mo. Encore une fois, on entre dans le grain du film à 100%.
1 - Le tracteur :
A cette taille, on voit surtout une différence de contraste, ce qui est assez normal, étant donné que les films utilisés ne sont pas les mêmes.
En effet, j’ai chargé la Sinar en Ilford Delta 100 (développé dans l’ID-11 à 1+1), et le Minox en Adox CMS 20 Pro 2, exposé à 12 ISO et développé dans le révélateur Adotech IV.
Ca y est! Il a biaisé le résultat! On s’est fait biaiser…
Pourquoi n’avoir pas utilisé le même film? Tout simplement parce que ça n’aurait eu aucun intérêt. On aurait tout de suite vu qu’en utilisant le même film, la réduction du format aurait entraîné une baisse de résolution.
Alors qu’il est de mon point de vue plus équitable de donner le meilleur pour chaque format. Il est donc naturel de chercher à nourrir le Minox avec le film le plus résolu du marché, à savoir l’Adox CMS 20, qui atteint la bagatelle de 800 paires de lignes par mm (d’après la doc commerciale!).
Et en effet, la résolution est extraordinaire, mais elle s’obtient par un contraste très élevé. Le film est quasiment aveugle dans les ombres. Et si on surexpose pour en récupérer un peu, on crame les hautes lumières. D’où la différence de rendu.
Sur ce crop, le fichier Sinar est à seulement la moitié de la résolution maxi, alors qu’on est déjà à 100% du fichier du Minox. Même s’il est évident que le 20X25 en a encore sous la semelle et que le format espion est au taquet, il n’en reste pas moins qu’il est fantastique d’obtenir déjà cette qualité en 8X11 mm!
2 - Les jantes de roues :
Je ne vais pas me répéter, ce sont exactement les mêmes conditions techniques.
Perspective un peu différente d’une image à l’autre, mais c’est également dû à la bascule arrière sur la Sinar, qui exagère les fuyantes, malgré un champ plus étroit. J’ai en effet été contraint de pas mal basculer pour assurer la netteté sur toute la profondeur.
Le contraste du film Adox est excessif, au point que l’image à la chambre paraît terne, ce qui n’est pas le cas.
Si l’on fait abstraction du contraste, la vue du Minox reste regardable.
3 - L'arbre :
Encore une fois, à cette taille, les différences viennent surtout du contraste. L’Adox CMS 20 bouche les ombres de façon évidente.
Sinar à 50% du fichier
Minox à 100% du fichier
Toujours le même écart entre les deux appareils.
Sinar à 100% du fichier
Minox à 400% du fichier
Le Minox montre ses limites, mais toujours pas la chambre 20X25.
Le making of
Et t'en conclus quoi?
Moi, rien, et vous?
Bon, vous l’aurez compris, ce comparatif est avant tout une blague. Chacun se doute qu’une image à la chambre va nécessairement être plus résolue qu’un négatif de la taille d’un ongle.
Mais j’ai quand même été étonné par l’écart pas si énorme au final. Certes, le Minox montre ses limites face au monstre, mais pas tant que ça.
La combinaison de deux éléments d’une qualité extrême (l’objectif et le film Adox CMS 20) donne des images absolument dingues compte tenu de la surface minuscule. On peut sans problème sortir des tirages 30X40 cm d’une excellente qualité! Un véritable exploit.
Evidemment, j’ai fait abstraction des notions de profondeur de champ, ainsi que du poids et de l’encombrement des deux protagonistes. A ce jeu-là, la Sinar ne part pas gagnante…
Qui a dit déjà que le meilleur appareil, c’est celui qu’on a sur soi?
(c’était Chase Jarvis. Mais il a sûrement pompé la phrase ailleurs.)