Voilà, j’ai essayé les films Lomochrome Purple et Metropolis! Mais ce n’était pas une évidence pour moi qui pratique pourtant l’argentique depuis toujours.
Cela fait des années que je suis l’actualité de Lomography, marque qui reprend les codes de la lomographie, courant artistique né au début des années 2000, en réponse à la déferlante du numérique. Au départ, il s’agissait d’utiliser un appareil compact russe (le Lomo), qui avait la caractéristique, de par sa mauvaise qualité de conception/construction, de donner des images… hors des canons habituels, on va dire. L’idée était de photographier sans se soucier de la moindre technique (pas même le cadrage), avec des films détournés de leur utilisation première, ou simplement périmés, et de voir la (bonne ou mauvaise) surprise au développement. C’était très sympathique, ça ne se prenait pas au sérieux (sauf quelques-uns), et les résultats pouvaient être incroyables.
Aujourd’hui, le concept d’origine a beaucoup dérivé, et a un peu été « récupéré » par Lomography, qui est devenu une marque commerciale. L’idée est maintenant de proposer des films et des appareils aptes à obtenir des résultats différents de la norme standard (à des tarifs très élevés compte tenu de la qualité de certains produits).
Bien que je ne sois pas spécialement adepte de cette tendance, je dois bien reconnaître que tout ce qui encourage la pratique de l’argentique est bénéfique!
J’ai longtemps boudé les films Lomography, trop enfermé que j’étais dans mes mauvaises habitudes de rigueur et de précision, qui sont le résultat d’une contamination intellectuelle provoquée par les clients et le monde de la photo commerciale; réclamant toujours le même modèle de soi-disant perfection aseptisée.
Aujourd’hui, ça va un peu mieux, je me soigne, et depuis mon travail sur Robert Capa qui m’a contraint à me servir de films fabriqués en 1944, je n’ai plus peur d’utiliser des films périmés.
Je suis donc prêt à essayer des films Lomography sans arrière-pensée !
Mais bon, doucement, quand même! Je ne vais pas les mettre dans un Lomo… Non, ce sera toujours le fidèle Mamiya RZ qui sera de la partie. L’usage du format 120 sera là pour garantir un minimum de qualité. On sait bien qu’en argentique, quel que soit le film, du moment qu’on augmente sa surface et que l’optique est bonne, la qualité est là.
Quel film choisir?
Lomography propose pas mal de références, mais certaines ne sont pas disponibles en 120, et d’autres sont en rupture de stock.
Je me suis donc tourné sur deux films qui m’ont semblé intéressants : Purple et Metropolis. J’attendais surtout de la Metropolis, la Purple m’a paru d’emblée trop typée, mais essayons…
Les deux sont de type négatif couleur, donc développement standard C41, ce qui est bien pratique. Ajoutons à cela le confort apporté par la tolérance aux erreurs de pose propre au C41, c’est de bon augure.
Lomography n’indique pas de sensibilité précise, mais une plage d’utilisation entre 100 et 400 ISO. Là, par contre, je ne suis pas d’accord, car c’est simplement jouer sur la tolérance du film, et c’est abusif, car ainsi présenté, on peut penser que les films sont à sensibilité variable, ce qui est bien sûr impossible. On verra ce qu’il en est à ce sujet.
J’ai estimé d’emblée qu’il valait mieux ne pas exposer à 400 ISO, car si les négas couleurs sont très souples du côté de la surexposition, ils n’ont en revanche aucune latitude en sous-exposition. Je soupçonne que ce sont des films de 400 ISO tout juste. Si on expose à cette valeur, la moindre sous-ex est fatale, et aboutit à des images granuleuses et délavées. Mais comme on est en pays de Lomographie, pourquoi pas? J’ai néanmoins opté pour une sensibilité de base à 200 ISO, après avoir été pas mal tenté par le 100 ISO. On va voir si ce choix a été pertinent.
La Lomography Purple
Le chargement est rendu un peu plus difficile qu’à l’habitude, car le papier protecteur est très lisse et glissant. L’amorce accroche mal sur la bobine réceptrice, il faut bien plier net la languette. Par ailleurs, cette amorce est beaucoup plus courte que chez les fabricants classiques. Donc, il faut être bien attentif à ne pas dépasser le repère de la vue 1.
J’ai choisi comme sujet des wagons qui traînent pas loin de chez moi. Temps ensoleillé. Images à main levée au RZ avec le 110 mm. Pas de commentaire particulier au sujet de la prise de vue, on est à 200 ISO en plein soleil, donc aucune difficulté, si ce n’est que le RZ plafonnant au 1/400e, on se retrouve facilement au minimum à F11. Donc pas trop de possibilité de jouer sur des flous d’arrière-plan prononcés (j’aurais dû emmener un ND ou un pola). J’ai aussi regretté de ne pas avoir pris un grand angle, le 110 standard sort des images trop banales. Mais ces considérations n’ont bien sûr rien à voir avec le film!
Vous remarquerez immédiatement qu’on ne retrouve pas le côté pourpre habituel à ce film. C’est normal, c’est un choix personnel au post-traitement. Je n’aimais pas trop justement cette dominante magenta, alors j’ai fortement modifié la balance des blancs pour tirer vers une ambiance tabac. Cela a ses inconvénients, car on obtient des tons foncés qui tirent vers le vert. Bon…
Je numérise mes négatifs en optant pour la technique de la reproduction avec APN. Les images sont captées en trois morceaux, afin d’aller au-delà des 24 mpx qu’autorise mon D750. Ensuite, l’inversion est faite dans le plug-in Negative Lab Pro, qui permet pas mal de réglages différents, selon les envies du moment.
Du coup, évidemment, ça ne donne pas le même rendu d’un opérateur à l’autre. C’est tout le problème du négatif couleur. Je rigole toujours quand j’entends : « j’aime le rendu de la Porta et ses tons si subtils ». En fait, on fait ce qu’on veut à la numérisation. On peut très bien donner l’aspect d’une Portra à partir d’une Ektar ou une Reala! Ci-dessous quelques exemples qui illustrent mes propos :
Alors, prudence avec les résultats, ce ne sont pas des tests de laboratoire.
Mon ressenti avec ce film est le suivant : le grain est classique, c’est effectivement celui d’une 400 ISO. Mais il n’est pas grossier. La résolution est très satisfaisante. De ce côté, c’est une bonne surprise. Exposer à 200 ISO était une idée pertinente : la densité est parfaite, les hautes lumières ne sont pas brûlées, et les ombres restent détaillées.
Je ne vais pas parler des couleurs, je vous laisse vous faire votre opinion à ce sujet. En ce qui me concerne, l’expérience m’a plu, mais pas au point d’avoir envie de racheter de nouveaux films, simplement parce que le rendu est trop typé et qu’il prend un peu trop le dessus sur le sujet. J’ai peur de m’en lasser très rapidement.
La Lomochrome Metropolis
J’ai les mêmes commentaires concernant le chargement de l’appareil. Toujours la même amorce trop courte et le même papier trop lisse. Mais rien de grave.
La Metropolis est radicalement différente de la Purple. Ce film est beaucoup plus subtil, car ses couleurs ne sont pas modifiées. Sa particularité tient à deux caractéristiques :
– Une saturation faible. Rendu pastel, voire presque noir et blanc.
– Un contraste élevé. En réalité c’est surtout dû à des ombres très bouchées (à 200 ISO).
Ce dernier point donne l’impression que le film est sous-exposé, mais ce n’est pas si simple, car les HL brûlent assez vite. Néanmoins, je pense qu’exposer à 100 ISO va faire du bien pour le rendu des ombres. C’est d’ailleurs ce que je compte faire sur le prochain exemplaire de cette Metropolis.
Le rendu m’a beaucoup plu, car on est dans la nuance, mais ça a du caractère! Les HL et les ombres arrivent vite au taquet, mais pour autant, l’ensemble est doux, si bien qu’il faut ajouter pas mal de contraste quand même au final (en préservant les détails dans les ombres et les HL).
J’ai exposé le film à 200 ISO, et malgré cela, les ombres sont bouchées. A mon avis, le film est inutilisable à 400 ISO, les ombres seront complètement vides, et les tons moyens beaucoup trop légers. 200 ISO est le minimum (mais c’est OK), et le 100 ISO est à tenter, c’est ce que je compte faire prochainement!
Le grain est le même que la Purple : c’est celui d’une 400 classique, c’est-à-dire visible sans être grossier. Bonne définition.
Concernant les couleurs, Lomography recommande de shooter des sujets avec des couleurs rouges. On aurait tendance à penser, au vu de ce discours, que le film va bien faire ressortir cette teinte en particulier (qui restera vive). Mais je n’ai rien remarqué de tel. Les rouges restent aussi délavés que les autres couleurs. C’est juste qu’on les voit bien, car c’est une teinte naturellement puissante.
La Metropolis m’a beaucoup plu, je dois dire. La combinaison d’un contraste fort et d’une faible saturation est un mariage heureux. Mais je n’ai pas pu m’empêcher d’ajouter un peu de pêche lors du passage dans Neg Lab Pro (on a le choix de 5 saturations de base, 3 étant la normale. Je suis monté à 5, mais les paliers sont peu marqués).
C’est un film que je continuerai d’acheter occasionnellement, malgré son prix élevé (le double d’un film ordinaire).
Post Scriptum
J’ai utilisé un second film Metropolis, et je l’ai cette fois-ci utilisé à 100 ISO sur quelques images. il s’avère qu’à ce réglage, les images commencent à être trop surexposées. C’est utilisable, mais on n’est plus dans l’optimal. Définitivement, le réglage à 200 ISO est donc le meilleur.