Les gaffes sont monnaie courante en 24X36, mais ce n’est rien à côté des erreurs de prise de vue à la chambre grand format argentique.
Voici un petit florilège des problèmes qui vous guettent au tournant (j’en ai vécu pas mal personnellement… Bon, pas tous en même temps…). Si vous pratiquez la chambre régulièrement et qu’il ne vous est jamais rien arrivé, vous êtes :
– Un menteur.
– Un être venu d’ailleurs (pas de la Terre).
Au chargement des châssis :
– Se tromper de côté lors de l’insertion des plans-films. Sanction : L’image étant insolée par la dorsale du film, il en résulte une faible image fortement dégradée. Inutilisable. Solution : Repérer les encoches et toujours les positionner au même endroit (vous avez deux choix possibles, le tout est d’en choisir un et de s’y tenir).
– Insérer deux plans-films en même temps. Ca coince un peu, mais on y arrive… Sanction : Image légèrement floue (même fermé à F22 sur un 90mm). Le second plan-film est fichu (il a été légèrement voilé). Solution : Bien vérifier au moment de sortir les films de la boîte que deux feuilles n’ont pas collé ensemble.
– Mal insérer le PF dans les rigoles du châssis. En plus, on a du mal à refermer le rabat. Ca devrait déjà vous alerter, mais comme vous êtes têtu, vous insistez, faut qu’ça rentre! Sanction : Image floue. Solution : Bien passer son doigt sur l’extrémité des rigoles pour vérifier qu’elles sont libres, et sur les surépaisseurs près du rabat pour contrôler que le film est en place.
– Manipuler le châssis en pleine lumière en oubliant de sécuriser les volets avec les tiges en métal. Sanction : Le volet glisse lors des manipulations, et découvre une partie du plan-film. Image voilée. Solution : On n’oublie pas d’utiliser ces tiges.
– Rayer la surface du film avec l’ongle pendant le chargement. Sanction : Une belle rayure sur l’image. Solution : un peu de manucure, ça va vous faire du bien.
– Rallumer la lumière en oubliant de refermer la boîte de 25 plans-films qui est restée grande ouverte. Sanction : 25 images perdues d’un seul coup. Solution : Arrêter d’être une tête de linotte.
A la prise de vue :
– Oublier d’emmener un accessoire essentiel : la loupe, un objectif, l’obturateur, le pare-soleil, les châssis, la cellule, le tissu occultant, le calculateur d’indice de soufflet, etc. La liste est longue! Sanction : Ca va de l’inconfort à une prise de vue impossible. Solution : Rédiger une liste et la suivre lors de la préparation du matériel.
– Se tromper lors des bascules. Très fréquent chez moi. J’ai tendance à basculer à l’envers. Sanction : Abaissement de la profondeur de champ au lieu d’une augmentation (ou l’inverse selon le but recherché). Solution : Emmener avec soi quelques schémas de base, ou bien réfléchir un peu, et mieux observer le dépoli. Cela arrive dans les situations de stress (photo de groupe où tout le monde s’impatiente).
– Décentrer trop fort. Sanction : Le sujet sort du cercle image, et on a un bord noir. Solution : Les fabricants ménagent des trous aux quatre coins du dépoli. Ca sert à regarder le cercle de lumière venant de l’optique. En se réglant au diaph de travail, il faut que l’anneau formé par le diaph soit entier, pour les quatre coins. S’il est tronqué, il y aura vignettage. Dans ce cas, on peut, soit décentrer moins fort, soit fermer plus le diaphragme.
– Oublier de faire le point à la loupe. Sanction : Une mise au point décalée, voire une image floue. Solution : Avoir avec soi la liste des étapes à ne pas rater. Et la consulter…
– Mal insérer le soufflet dans son logement : Sanction : Fuite de lumière, et donc voile de l’image. Solution : Vous savez quoi faire.
– Oublier de régler les niveaux à bulle. Variante : Faire confiance à un niveau déréglé. Sanction : Une image qui penche. Solution : Régler ses niveaux.
– Mal positionner le pare-soleil. Sanction : Trop court : du flare. Trop long : du vignettage. Solution : Bien observer le dépoli, en se réservant une marge d’erreur.
– Oublier de verrouiller les réglages. Sanction : Flou de bougé, en raison d’un manque de rigidité. Solution : Eh ben…!
– Oublier de fermer le diaph. La photo se fait à pleine ouverture au lieu du diaph de travail. Sanction : Surexposition massive et manque de profondeur de champ. Solution : Régler le diaph.
– Oublier de fermer l’obturateur au moment d’insérer le châssis. Sanction : On ouvre le volet, mettant le film en pleine lumière dans la chambre. On s’en aperçoit en voulant déclencher, car l’obtu vous informe de la méprise en refusant de fonctionner (il n’est pas armé, et pour cause, il est ouvert). Solution : Cette erreur est si fréquente que les fabricants ont pensé à nous. Sinar propose pour son obturateur Copal DB un câble qui ferme automatiquement l’obtu lors de l’insertion d’un châssis. J’ai cet accessoire, mais je ne l’utilise pas (car il demande de pousser fort le châssis, pas très agréable). Tant pis pour moi!
– Mal insérer le châssis dans la chambre : Généralement, on ne l’enfonce pas jusqu’au bout, car il y a un cran qui fait une petite résistance. Sanction : Cadrage décalé et du flou sur un côté (le châssis est bancal). En plus, risque de voile. Solution : bien vérifier que le châssis est sur la butée finale.
– Oublier de reporter les réglages de la cellule. Variante : Se tromper dans sa prise de lumière. Cela arrive très souvent. Sanction : Image mal exposée. Solution : Il n’est pas facile d’y remédier. Exposer juste demande beaucoup d’expérience. Après 30 ans de photo, je continue de croiser les doigts!
– Régler l’exposition en ne tenant pas compte de l’indice de soufflet (en gros plan). Sanction : Image sous-exposée. Solution : Emmener avec soi le QuickDisc (et penser à l’utiliser). La sous-exposition est le cas d’erreur d’expo le plus fréquent en grand format.
– Après une première photo, mettre le volet du châssis du côté blanc au lieu de noir. Sanction : A la vue suivante, on croit avoir affaire à une vue vierge, et on expose à nouveau l’image, créant une surimpression involontaire. Solution : Bien faire attention à mettre le volet du bon côté.
– Mal remettre le volet dans le châssis, en le glissant entre ce dernier et la chambre. Sanction : Photo voilée dès qu’on retire le châssis. Solution : Mais vous allez arrêter de faire n’importe quoi??
Au labo :
– Fuite de lumière dans le local lors du déchargement des films. Sanction : Images voilées. Solution : Vérifier la parfaite noirceur du local, fermer à clé pour éviter qu’un tiers vienne vous dire bonjour.
– Se tromper dans les temps, les températures, les dilutions des produits. Sanction : Images mal développées. Solution : Vérifier plusieurs fois avant de se lancer. Toujours utiliser les mêmes méthodes afin de créer une routine.
– Etre trompé par un thermomètre déréglé. Sanction : Images mal développées. Solution : Vérifier l’exactitude de son thermomètre avec un second. L’essentiel n’étant pas forcément qu’il soit exact, mais qu’il soit étalonné, et qu’il donne des résultats constants d’une séance à l’autre.
– Utiliser des produits périmés ou épuisés. Sanction : Images mal développées. Solution : Vérifier les dates de péremption. Révélateur : jeter s’il devient jaune pisse (ou encore plus dense). Bain d’arrêt : utiliser un bain d’arrêt avec indicateur (il change de couleur si épuisé). Fixateur : noter le nombre de réutilisations, et la date de préparation (durée de vie courte). Ou travailler à bain perdu (fixateur neuf à chaque fois). Je conseille d’ailleurs de travailler à bain perdu pour tous les produits. Ainsi, on est tranquille.
– Utiliser une spire de mauvaise qualité (voir mon article sur le MOD 54). Sanction : Zones pas développées sur les plans films, zonages (développement non uniforme). Solution : Changer de type de spire.
– Mal essorer les plans-films avec une raclette ou une éponge. Sanction : Rayures. Solution : Ne pas essorer du tout. Utiliser de l’eau déminéralisée avec un agent mouillant.
– Utiliser une pince à linge pour suspendre les plans-film en vue de les sécher. Sanction : Les plans-films se retrouvent par terre. Solution : Utiliser des larges pinces à dessin en métal.
Et cette liste n’est pas complète!
Le meilleur pour la fin :
En vue de réaliser une photo de groupe, je projette de charger trois PF de FP4 en 125 ISO, et trois PF de Tri-X en 320 ISO (je n’étais pas sûr de la météo). Le tout sur 3 châssis Fidelity.
Donc, il y a un châssis commun qui doit contenir d’un côté du FP4 et de l’autre du Tri-X. J’avais bien identifié chaque côté par des étiquettes distinctes.
Je commence par charger les trois Tri-X.
Puis, comme prévu, je charge les FP4. Mais sur un châssis, je m’aperçois que j’ai du mal à y insérer le PF. Je me dis que c’est curieux, mais à force d’insister, ça rentre quand même… Bon…
Je shoote donc ma photo de groupe (en FP4). Je n’utilise pas mes Tri-X.
De retour au labo, au moment de décharger les FP4, je me rends compte que le châssis qui était dur à charger contient… deux PF l’un sur l’autre! Tu m’étonnes qu’il était dur à charger! Je me dis : quel con, tu as mis deux PF en même temps! Effectivement, il arrive occasionnellement que dans la boîte, on sorte par erreur deux feuilles simultanément (elles collent parfois un peu entre elles).
Du coup, le PF en question a sorti une image, mais très légèrement floue (le plan de mise au point s’est décalé. C’est là qu’on voit l’exigence de précision du calage). Heureusement que les deux autres étaient OK. Evidemment, celui du dessous n’a à priori pas été insolé, mais je n’ai pas pris le risque de le réutiliser. Je ne l’ai donc pas développé et ai fait exprès de le voiler (il servira pour des essais de chargement).
Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
La semaine suivante, je ressors la chambre pour utiliser les trois derniers Tri-X.
Au moment de décharger les trois plans-films, je m’aperçois qu’il n’y en avait que deux. Un des châssis était vide!
Et c’est là que j’ai réalisé la double boulette : lors du chargement initial, j’avais mis une FP4 par dessus une tri-X. Je m’étais mélangé les pinceaux dans le noir! Cette erreur m’a coûté deux plans-films d’un coup, et la perte de trois images : la FP4 qui était floue, la Tri-X que j’ai décidé de sacrifier, et la prise de vue d’architecture dont je ne verrai jamais le résultat!
Pas mal, non? Et j’aurais pu me rendre compte de ma méprise en regardant le dessin des encoches du plan-film voilé. Après coup, j’ai vu que c’était bien de la Tri-X, et pas de la FP4.
Tout ça ne serait rien, si sur les deux Tri-X qui me restaient, je n’avais pas aussi foiré une des deux : inexplicablement, au lieu d’utiliser gentiment l’obturateur Copal Sinar DB, j’avais décidé, par flemme d’aller chercher le déclencheur souple, d’obturer au bouchon (la pose était d’une minute). En oubliant qu’avec l’obtu Sinar, si on n’utilise pas le déclencheur, l’objo reste à pleine ouverture (j’avais prévu d’être à F22). Du coup, j’ai eu droit à 4 diaphs de surex.
Nouvelle vue inutilisable! Ca fait beaucoup en quelques jours. De quoi avoir envie de tout balancer à la benne.