Progression au fil des plaques

Stage de daguerréotype réalisé avec Marc Kereun

Depuis le choc de la découverte de mon premier dag au musée de Châlon (vers 2000), je passe plusieurs années à vide, me contenant de m’intéresser au sujet lorsqu’il se présente à moi.

La situation évolue lorsque ma famille, en 2006, m’offre l’ouvrage :« Le daguerréotype français, un objet photographique », de Quentin Bajac. Premier livre de ma bibliothèque exclusivement consacré au sujet, et surtout, première fois que je découvre des images publiées en quadri, montrant, pas encore le miroitement, mais au moins les nuances colorées de dags historiques. Ceux du baron Gros me fascinent complètement, par leur perfection technique.

Quelques années de maturation passent encore, et un beau jour, j’ai la curiosité de me procurer la méthode de Daguerre, dont le texte est libre d’accès sur le web.

Je m’imagine avoir accès au mode d’emploi, ce qui est certes le cas, mais je me heurte à une cruelle déconvenue… Le texte est illisible, car truffé de termes du 19e siècle devenus abscons, et surtout, fait appel à une quantité de produits complètement inconnus de ma personne…Par ailleurs, la méthode paraît d’une très grande complexité.

Devant l’ampleur du problème, je mets le pamphlet de côté, et laisser tomber l’affaire, en attendant de nouveaux éléments.

Une nouvelle année passe, nous sommes au printemps 2013. Au hasard d’une fouille web sur le sujet, je tombe sur le site d’un certain Marc Kereun, qui s’avère être daguerréotypiste. Je découvre avec stupeur qu’il organise des stages de découverte du dag!

Cette fois-ci, ce qui était un doux rêve utopique commence à prendre corps.

Je m’inscris au stage de Marc, et dès lors, la machine ne s’arrêtera plus.

Ce dernier m’enseigne toute la méthode, qui est à la fois simple par son principe, et très délicate. Mais surtout, il me montre que c’est faisable, et comment le faire!

Ci-contre, les quelques plaques réalisées lors de ce stage.

Première image réalisée seul

Premier essai de daguerréotype. Plaque 9X12, sensibilisée à l’iode, développement au mercure et avivage à l’or.

Le sujet n’est pas fameux (c’est la vue du balcon…), mais il faut bien démarrer par quelque chose, et c’est plus pratique pour expérimenter!
C’est en réalité la 3ème plaque, mais la première où l’image est bien visible.
C’est également la première où j’ai effectué un avivage au chlorure d’or.
A l’œil nu, la plaque a une teinte dorée, très différente du scan où le bleu domine.

La teinte bleue est due à un effet de solarisation dans les zones surexposées. J’ai plus ou moins recherché cet effet, car ça me plaît assez. On peut l’éviter cependant, mais il faut poser moins, du coup, les ombres se bouchent.
Le scanner fait ressortir tous les défauts, et c’est là que l’on voit qu’il y a un sacré chemin à parcourir avant d’arriver à un bon résultat.

Mais après un an de travail pour fabriquer et réunir la totalité des éléments (quel parcours du combattant!), je suis déjà content d’avoir une image.

A noter que le rendu est bien différent des images réalisées avec Marc. Le procédé est de toute façon tellement sensible aux modifications de l’environnement, que chaque praticien obtient un rendu propre. C’est aussi le charme du bouzin.

daguerréotype

L'escalier au chapeau

Nouvel essai de daguerréotype. Je suis enfin sorti de mon balcon pour affronter le monde extérieur.
Ca n’en est pas plus facile pour autant, le premier essai (plutôt réussi) n’était en fait qu’un coup de pouce du hasard pour m’encourager!

J’accumule les soucis techniques : Dernièrement une pose d’une heure simplement à l’ombre d’un arbre (temps ensoleillé), et une plaque pratiquement vierge! Je crois qu’il aurait fallu poser 4 heures pour avoir quelque chose.
Petit rappel : sensibilité 0,003 ISO, uniquement dans le bleu et les UV. En 1839, on était ravi de ces performances!

Ici, une pose de 30 mn en plein soleil par 38°C (à l’ombre), et c’est encore sous-ex. En plus, je n’avais pas mon chapeau, et pour cause!
En examinant la plaque, on devine un motif fantôme (invisible ici) : c’est la prise de vue précédente qui ressort! Pourtant, j’avais sévèrement repoli la plaque, qui était absolument nickel à l’œil nu.
Le dag est plein de (mauvaises) surprises.

Je constate également combien la dynamique du dag sensibilisé à l’iode seul est faible : les hautes lumières sont quasi surex, et les ombres sont toutes noires. Pratiquement pas de demi-teintes. La future sensibilisation au brome remédiera à ce souci, mais apportera d’autres problèmes, j’en suis sûr!

L'art de rater son polissage

Cet été, j’ai eu l’ambition d’emmener tout mon barda en bretagne, sûr de ma ridicule expérience acquise après deux-trois plaques réussies. J’avais déjà pris la grosse tête, mais le dag, toujours vigilant, a vite fait de me remettre à ma place, en me présentant un de ses problèmes qui a pourri toutes mes vacances!

En effet, j’ai été confronté pendant tout le séjour à un insidieux problème de polissage (je n’avais pas emmené mon touret à polir, grave erreur, pensant pouvoir m’en passer) qui se révélait seulement au développement. Cet image montre bien le résultat d’un polissage manuel mal mené.

A noter que toutes mes plaques bretonnes sont signées de cette curieuse façon. Je ne vous ferai pas mal en vous les montrant toutes, mais depuis lors, elles restent au fond d’un placard. Et c’est pas demain la veille que vous reverrez des images de bateau en dag. Trimballer tout son labo en famille à 1000 km de chez soi est une souffrance que je ne suis pas près de renouveler.

Autoportrait au chapeau

L’image est bien trop surex (11mn à 5,6 en plein soleil, c’est trop, même pour un dag!), au point que, c’est amusant, une partie de mon T-shirt bascule brutalement au noir. Les volets ont eux aussi basculé au noir, eux qui sont pourtant blancs.

Cette histoire de bascule au noir lors d’une surex massive est intéressante, car l’image montre qu’il suffit d’un dixième de diaph en trop pour que l’on passe du blanc au noir.

La tonalité bleue de la façade montre du reste la surexposition générale. Mais ce n’est pas si simple, car toute la végétation est bouchée, et la partie de la façade dans l’ombre bouche aussi… Voilà une bonne illustration de la très faible dynamique générale (capacité à enregistrer les hautes lumières et les ombres sur une seule image) propre au médium. A vrai dire, sur la même image, on passe de la franche surex à la franche sous-ex sans trop voir de demi-teintes!

Concernant la végétation qui ressort noire, cela est dû tout simplement à l’absence de sensibilité du dag dans les verts. Rappel : le dag est surtout sensible au bleu et aux UV.

L'escalier dans la serre

Voici mon premier daguerréotype qui combine tous les éléments indispensables à un bon résultat :
– Polissage correct
– Iode uniformément réparti sur la plaque (pas vraiment, mais le sujet compliqué masque le défaut)
– Exposition juste (coup de bol)
– Développement au mercure arrêté juste avant un début de cendrage.

Une des plus grandes difficultés, dans ce procédé, c’est le polissage. Je l’apprends à mes dépends. Cela fait 5 mois que je me bats pour obtenir un polissage de qualité. Et je me suis rendu compte que rien n’est plus difficile.
Je crois bien avoir essayé à peu près toutes les techniques, avoir tout lu… Un jour, on a un bon résultat, et le lendemain, c’est catastrophique. Le fait de lire et d’appliquer les modes d’emploi de l’époque n’aide pas beaucoup.

Le piège réside dans le fait que tant que la plaque est vierge, elle paraît parfaite. C’est seulement une fois l’image prise (et développée) que l’on se rend compte si ça a foiré ou non. L’iode va se faufiler dans les traces d’essuyages et les rayures invisibles, et le mercure va les développer en même temps que l’image!

J’ai fini par trouver un truc, truc que les pionniers pratiquaient déjà (mais je l’ignorais) : il faut tester la plaque avec son haleine : le nuage de condensation qui s’y dépose révèle toutes les traces et rayures. On s’aperçoit immédiatement si son polissage est bon ou non.
A partir de là, on avance considérablement, car toute action nouvelle a une conséquence sur la plaque, mais il suffit de tester avec la condensation pour savoir si cette action est profitable ou néfaste. Pas besoin de perdre une journée de travail avant d’avoir le verdict, tellement décourageant!

Aujourd’hui, j’en suis à polir de la façon suivante :
– Dégraissage de la plaque au coton imbibé d’acétone.
– Si la plaque n’est pas neuve, mais a déjà reçu une image ratée qu’il faut effacer : la soumettre au touret à polir à 5000 t/mn + pâte à polir à oxyde de chrome.
– Polissage final sur ponceuse vibrante et plateau recouvert de velours.
Il faut mettre de la pâte à polir sur la moitié de la surface du plateau. On passe la plaque sur cette zone, et on la déplace sur le velours propre, sans la lever.
– Et là, on peut commencer à soumettre la plaque à l’iode…

Malgré tout, je ne parviens pas vraiment à avoir une couche d’iode uniforme : il se crée comme des zones, très visibles dans toutes les parties uniformes. Il y a un truc que je fais mal quelque part…
Il est marrant de constater que chaque daguerréotypiste polit ses plaques différemment. On a l’impression que ce qui marche chez l’un ne marche pas chez l’autre!

Escalier à la Sucrière

Le foirage du jour, j’ai nommé : l’avivage au chlorure d’or.
D’où la constellation de taches.

Comme j’en ai marre de tourner en rond, et pour avoir la solution du problème, j’ai demandé de l’aide directement à l’un des tous meilleurs daguerréotypistes du monde : Rob Mc Elroy à New-York.
Très sympa, il a bien bien voulu répondre à mon mail et m’a donné une explication extrêmement complète sur tous les secrets de l’avivage.
C’est super délicat, et c’est encore du boulot supplémentaire, mais je crois qu’au prochain coup, ça devrait être notablement mieux.

En gros, il y a plein de petits trucs à ajuster, mais l’essentiel du souci vient de la mauvaise conservation de la solution qu’il ne faut pas préparer à l’avance, mais juste avant emploi. Et il faut la filtrer avant usage. J’espère en tout cas que c’est ça.

Colimaçon Cité Internationale

Nouveau colimaçon, 20 minutes de pose à F-11.

Ca ne se voit pas trop ici, mais j’ai plein de petits points blancs qui se sont invités au moment de l’avivage au chlorure d’or. Je mets le liquide sur la plaque, tout est beau, je commence à chauffer, et voilà les points blancs qui apparaissent.
La routine dans les emmerdes, quoi.

Un bel exemple de surexposition

Le phénomène lié à la surexposition est ici bien mis en évidence : La surex augmente progressivement de haut en bas. Au point que l’image devient paradoxalement noire en bas de l’image. Le bleu s’intensifie en parallèle.

Si bien qu’une zone complètement noire ne signifie pas forcément une sous-ex, mais peut aussi provenir d’une surex massive.

A noter encore un effet déroutant : on voit trois taches blanches en bas à droite. Il s’agit de reflets spéculaires du soleil. Donc, normalement, c’est complètement surexposé. Et on retrouve du blanc!

Il faut remarquer que j’ai effacé cette image ratée et qu’au polissage, il a été quasi impossible de retirer complètement ces trois taches. Elles avaient tellement marqué l’argent en profondeur!

Noter un dernier élément : des marbrures, comme des traces de liquide sont visibles sur toute la plaque. Ce sont des défauts d’avivage, dû à un produit périmé. J’ai appris à mes dépends qu’il ne faut jamais préparer son bain au-delà de 24h à l’avance.

Tristan da Cunha

Photographe professionnel, spécialisé depuis 20 ans dans la prise de vue culinaire et tous les défis techniques.

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