Ou comment perdre son temps à écrire un article inutile…
… Tout simplement parce que les films à développement instantané (c’est comme ça qu’on appelle le pola) du type « 100 » ne sont plus fabriqués depuis 2016, date à laquelle le dernier fabricant, Fuji, a jeté l’éponge. Neuf ans déjà, alors à quoi bon cet article qui ne servira à personne?
Mais vous allez voir toute l’utilité de ma prose :
– Ça m’occupe, vu qu’en ce moment, j’ai du temps à perdre. Vous aussi, puisque vous me lisez. Alors!
– Pour moi, ce n’est pas du réchauffé, car j’ai encore un dernier pack en réserve.
– Ça fait du trafic sur mon site. Bientôt la dizaine de visiteurs.
– C’est bon pour votre culture photographique.
– Ça va certainement inciter Fuji à comprendre son erreur, puis à relancer une production qui n’aurait jamais dû s’arrêter. J’en suis sûr.
Un pola type 100, c’est quoi?
Inventé par Polaroid (on s’en serait douté) en 1963, il s’agit d’un film à développement instantané de type « Peel apart », conçu pour donner un tirage de format maximum 8X10 cm, quelques secondes ou minutes après la prise de vue. Présenté sous la forme d’une cartouche de 10 photos. Il fallait séparer le négatif du tirage, et à la vue du résultat, tout balancer à la poubelle (sauf quand le tirage était réussi. Dans ce cas, on le gardait, mais c’était pas bien souvent…).
De nombreuses références ont existé : couleur, noir et blanc, papier brillant, perlé, dans des sensibilités variées, etc.
Longtemps l’exclusivité de Polaroid, le film instantané a également été exploité par Kodak, mais à la manière gentleman : ayant violé plusieurs brevets appartenant à Polaroid, ils ont été sommés de cesser toute commercialisation et contraints de payer une amende de plus de 900 millions de dollars en 1991. Ça s’appelle une branlée.
Le cas de Fuji est différent : la marque a scellé un accord d’échange avec Polaroid, permettant à cette dernière de bénéficier de savoir-faire dans les bandes magnétiques, en échange de l’exploitation libre de films instantanés maison.
Son emploi a été popularisé dans les appareils Polaroid grand public, mais aussi chez les photographes de quartier qui proposaient des photos d’identité avec un appareil spécial à quatre objectifs ! A mes débuts professionnels, j’ai ainsi la fierté d’avoir été l’auteur de centaines de magnifiques photos d’identité réalisées au Pola type 100, lorsque j’ai été simple vendeur en boutique photo. Les clients qui ont bénéficié de mon savoir-faire ne réalisaient pas encore qu’ils possédaient dans leur portefeuille un authentique portrait de leur personne, réalisé par le plus grand maître photographe du XXe siècle. Quelle injustice.
Plus sérieusement, le type 100 a trouvé un important débouché chez les pros du studio, car on pouvait les utiliser dans tout appareil moyen format (voire, à la chambre) muni d’un dos spécial. Cet usage a fait bien sûr les beaux jours de Polaroid, ainsi que de Fuji, car nous avons fait une énorme consommation de films instantanés. Il était inconcevable d’envisager une prise de vue professionnelle sans avoir au préalable testé la lumière, l’exposition et la composition au moyen de plusieurs polas successifs (souvent en noir et blanc, moins chers, et plus nets). Car il se trouve que certains polas avaient le gros avantage d’avoir une sensibilité standard (100 ISO, la même que les films habituels) et la même latitude d’exposition qu’un film inversible. Toute dérive d’un tiers de diaph se repérait facilement sur un pola, si bien qu’on pouvait, avec une bonne dose de confiance, passer aux « vraies » photos sur film inversible sans essai supplémentaire (en brackettant tout de même sur 3 vues espacées d’un demi-diaph, par sécurité).
L’autre avantage, c’était que le client, lors de la séance, ne pouvait jamais voir autre chose qu’une petite image noir et blanc. Cela facilitait grandement la tâche, vu que n’ayant pas la capacité d’anticiper sur le résultat final, il était bien obligé de nous faire confiance, et on avait une paix royale… Le revers de la médaille, c’est qu’une fois l’image définitive sortie du labo, elle avait intérêt à être sans défaut, car la retouche à posteriori n’était pas aussi simple que maintenant.
Un dos Pola pour Mamiya RZ. Notez l’abaque de développement selon la température, scotché sur le dos. Bien pratique.
Contrairement au dos film, le dos pola n’est pas rotatif (impossible, il buterait contre le prisme), alors l’entièreté de la fenêtre est impressionnée (le RZ est en réalité un appareil 7X7 recadré en 6X7), ce qui donne une image carrée. Et dans le viseur, les volets de cadrage sont escamotés, faisant correspondre la visée au résultat. C’est mieux que du Hasselblad : les images sont 1 cm plus grandes sur les deux axes.
Un âge d’or de courte durée (pour moi)…
Evidemment, à l’arrivée du numérique, l’intérêt pour les films instantanés s’est presque totalement tari. Soyons honnêtes : ce ne fut pas un mal, car il n’y avait rien de plus écologique qu’un pola : 90% du contenu finissait à la benne. Et les chimies n’étaient pas vraiment comestibles.
Ne restaient plus que quelques passionnés pour continuer à faire tourner mollement la machine. Hélas, le temps de la fin approchait à grand pas.
Pour ma part, j’ai toujours aimé ces petites photos floues, principalement par leur côté ludique, et la magie de l’instantanéité, qui fait toujours son effet, même auprès d’un public hermétique à toute poésie. Pourtant, c’était mal parti, car l’usage que j’en faisais en pro était uniquement utilitaire : sitôt le résultat découvert, le pola était invariablement jeté. J’en gardais parfois un de temps en temps, pour le souvenir… quand j’y pensais!
Mais les choses ont changé quand j’ai acquis mon Mamiya RZ personnel (vers 2008), car il était vendu (entre autre) avec un dos pour Pola type 100. C’est alors que tout naturellement, j’ai recommencé à en acheter quelques packs de temps en temps, non plus cette fois pour contrôler le résultat, mais pour une finalité plus noble. A cette époque, la philosophie était essentiellement d’amuser votre serviteur et son entourage. Je photographiais mes enfants et ma famille, et je donnais d’ailleurs régulièrement les photos aux citoyens visibles sur les images. Polaroid avait déjà cessé quasiment toute activité, mais il restait Fuji, dont j’étais client des trois références suivantes :
– FP-100 C : couleur, 100 ISO, papier brillant.
– FP-100C Silk : Le même en version perlée, que j’aimais moins (à cause de la trame impossible à supprimer au scan).
– FP-100B : noir et blanc, 100 ISO, papier brillant.
Ça tombait bien, les polas en couleur de chez Fuji étaient meilleurs : teintes plus justes et naturelles. Mais pas vu de différences en noir et blanc. Ces derniers étaient appréciés, car beaucoup plus nets que ceux en couleurs. Pourtant, j’ai assez vite décidé d’employer surtout la version couleur, car à l’époque, je ne nourrissais mon RZ que de films noir et blanc, et j’aimais bien changer des habitudes.
Pour l’anecdote, un pack de FP-100C coûtait en 2016 autour de 17 Euros TTC. Soit 1,7 Euro la photo. En francs, je me souviens qu’on disait : « Ça coûte dix balles la photo! » Pour souligner qu’il ne fallait pas gaspiller. On ignorait la chance qu’on avait…vous allez comprendre pourquoi.
J’ai un faible pour ces charmantes petites images que je collectionne précieusement dans une boîte d’archivage sans acide, à l’abri des dégradations. Un côté objet unique! Remarquons les angles tronqués (ce sont des portions de cercle qui coupent le carré), qui correspondent à la forme circulaire de l’interface dos/boîtier du RZ.
Tout allait bien pendant quelques années, quand arriva le grand cataclysme : Fuji, tout dernier fabricant de films instantanés de type 100, décida d’arrêter toute production dans ce format, vers 2016 !
Sitôt l’annonce connue, j’achetai d’abord 2 packs en version perlée (les seuls disponibles sur le moment), puis 4 derniers packs en version brillante, la référence FP-100C. Ce tout dernier lot, parmi les ultimes fabriqués (date de péremption : mai 2018) a été immédiatement placé au congélateur.
A ce sujet, il existe une légende urbaine qui raconte que l’on ne doit pas congeler des packs de polas, car les liquides de développement s’endommagent quand ils gèlent. La recommandation est de les conserver au réfrigérateur.
Mais il se trouve qu’à l’époque où j’en consommais professionnellement, j’avais testé « pour voir » d’en placer un pack au congélo. Tout en laissant traîner dans le studio des restes de packs entreposés à température ambiante, dans la période d’abandon de l’usage courant du pola, au moment du passage au numérique.
Désirant refaire quelques essais par nostalgie, j’ai repris un pack oublié dans un tiroir, et bien sûr, le résultat fut que les images obtenues n’étaient qu’à moitié développées, voire pas du tout (tirage entièrement vierge et sec). Les éléments volatils s’étant évaporés, les chimies étaient devenues trop sèches pour fonctionner. C’est là tout le problème : on n’a parfois même pas d’image du tout.
Et puis, je me suis souvenu du pack oublié au congélo… Je le ressors, et j’ai la surprise de constater une qualité parfaite ! L’interdiction de congeler les films était donc fausse. Je pense que cette croyance vient des packs « Integral », car ils étaient vendus avec une pile incorporée (servant à alimenter l’appareil, formidable idée écologique permettant d’être toujours sûr de disposer d’une pile neuve), et évidemment, les piles n’aiment pas le froid.
Etant sûr de mon coup, j’ai donc mis mes quatre derniers packs au congélo. Bien m’en a pris, car je dois être un des seuls gars à la ronde à pouvoir désormais, 9 ans après l’arrêt de la fabrication, disposer de FP-100C parfaitement utilisables comme au premier jour.
Et c’est tant mieux, car quand je vois les prix pratiqués par quelques sagouins qui osent proposer aujourd’hui à la vente encore quelques packs vierges même pas conservés au frais… J’espère qu’aucun gogo n’ira dépenser 400 Euros pour un pack inutilisable. Enfin si, qu’ils le fassent donc.
Au passage, figurez-vous qu’il peut arriver des accidents, comme une languette qui se décolle, ou une feuille tirée de travers qui coince tout le reste, rendant le pack entier impossible à utiliser… Sur un pack à 17 Euros, c’est déjà pénible, mais à 400?
Voilà les prix pratiqués sur Ebay pour les packs survivants… qui bien souvent, n’ont même jamais rencontré un frigo.
La cinématique complexe du pack 100. Une fois la photo prise, il faut tirer une première languette, qui va déplacer le négatif pour le positionner en face du tirage. En même temps, cela fait sortir une seconde languette. En tirant celle-ci, la future image sort, entraînant au passage le sandwich formé par l’ensemble négatif/tirage, entre deux rouleaux. En amont de l’image, il y a une capsule de produits de développement qui éclate au passage entre les rouleaux et va s’étaler entre le négatif et le tirage. Dès cet instant, le développement commence, surveillez le chrono. Un mécanisme extrêmement complexe et ingénieux, véritable chef-d’œuvre technique. Et je n’ai même pas abordé la partie chimique, encore plus effarante.Tout ce génie au service de Tata Ginette, qui ne se doutait de rien quand elle photographiait ses gamins…
Quand l’ignorance mène à la perte irrémédiable…
Pendant toutes ces années d’utilisation de packs 100, je n’avais aucune connaissance de la façon dont les images pouvaient se former sur le tirage. Assez curieusement, j’ai manqué de curiosité…
Je n’avais ainsi pas conscience du fait que la partie à jeter contenait le négatif. Il est vrai qu’il était quasi invisible. Mais ce n’est pas une excuse !
J’ai appris beaucoup trop tardivement (à deux packs de la fin) qu’on pouvait récupérer ce négatif… Et la méthode est assez simple, en plus ! Que de regrets éternels…
L’avantage de récupérer le négatif, c’est que celui-ci présente plusieurs caractéristiques différentes du positif :
– Une netteté très supérieure : le transfert de l’image du négatif au positif se fait via un liquide qui fait l’interface entre les deux supports. Les colorants du négatif viennent diffuser sur le papier (qui contient des agents chimiques permettant de fixer l’image). S’ensuit une forte dégradation des fins détails. On obtient un tirage quasi flou, mais le négatif, lui, reste net!
– La capacité à corriger les erreurs d’exposition, dans une petite mesure. C’est comme au labo traditionnel : quand un négatif est mal exposé, on peut compenser au tirage en modifiant l’exposition sour l’agrandisseur. Ici, le tirage ne corrige jamais la dérive du négatif, car le temps de développement est normalisé. Un négatif sombre donne un tirage sombre. Mais on peut éclaircir le résultat en repartant du négatif, lors de la numérisation, même si finalement, il n’y a a quasi pas plus de détails dans les ombres ou les hautes lumières. La règle est donc quand même de tenter de poser juste.
– Mais le rendu n’est pas du tout le même. Autant, sur le tirage, les couleurs sont assez neutres et naturelles (bien que typiques), autant le négatif est assez déjanté. On a un rendu qui s’apparente à un traitement croisé E6 dans C41, dans le meilleur des cas. N’oublions pas que le négatif n’a plus qu’un petit pourcentage de ce qu’il contenait, puisque la majorité s’est transférée sur le positif. On constate aussi un effet de couleurs baveuses, dû à l’humidité lors du développement.
La différence de rendu entre le tirage et le négatif récupéré. Le tirage donne des teintes douces et naturelles, mais avec peu de latitude d’exposition (comme en inversible). Le négatif contient plus d’infos, ce qui est logique : il y a perte lors du transfert. Les images sont plus nettes et détaillées, là où le tirage est flou. En revanche, les couleurs ne sont pas justes, mais peuvent être plaisantes.
Un comparatif en pleine résolution. La différence de piqué est spectaculaire, mais pas de gain en dynamique.
La méthode :
Je n’ai rien inventé, cette méthode est connue et trouvable facilement sur le web. Mais ici, c’est vachement mieux !
Le négatif est invisible, car il est caché au recto par la couche de chimie poisseuse qui a servi à révéler l’image, et au verso par une couche de peinture noire très solide et totalement opaque, interdisant tout examen par transparence.
L’idée est de dissoudre la peinture et de laver le film des produits chimiques.
Tout d’abord, le processus commence dès la prise de vue. Au niveau de l’exposition, le but est toujours d’exposer parfaitement juste. Figurez-vous que c’est difficile : au prix que coûte chaque pola (surtout si vous êtes le gogo du pack à 400 balles), il vaut mieux ne pas multiplier les essais, et rappelez-vous que ça ne tolère pas l’erreur d’exposition (même difficulté qu’en diapo, ce n’est pas pour rien que le pola servait aux tests d’exposition).
Une erreur d’un demi diaph de sous-ex, et vous avez un tirage sombre. Pareil dans l’autre sens.
Cependant, une erreur de maximum 1 diaph en sous-ex reste tolérable (bien que pas optimale) : si vous constatez ce problème, ne gaspillez pas un nouveau pola. En d’autres temps, je n’aurais pas recommandé cela, mais aujourd’hui, mieux vaut économiser et rattraper ça sur le négatif. Il est toujours préférable de viser une image un peu dense que le contraire, comme en diapo.
Tenez bien compte de la température ambiante au moment de développer l’image. A 20°C, le temps est de 120 sec, mais ça change s’il fait plus froid ou chaud. J’ai collé un tableau (celui fourni dans la boîte) sur mon dos pola, en pense-bête. Pas besoin d’emporter un thermomètre, c’est quand même à la louche. Au bout dudit temps, séparez simplement le négatif du positif, mais en un seul geste régulier. Toute interruption du geste va laisser une trace.
Ensuite, il est essentiel de ne pas toucher la surface poisseuse du négatif tant qu’elle n’a pas séché (ça prend pas mal de temps, environ une heure). C’est tout de suite une contrainte en extérieur : on ne sait pas quoi faire de ce truc ni où le poser en sécurité. Si on le laisse dans un sac, il va immanquablement se trouver en contact avec n’importe quoi, et abîmer le négatif. Il faut trouver un système sûr (que je n’ai pas trouvé, je n’ai plus assez de stock de polas pour me lancer dans un système ad-hoc.).
Sachez aussi qu’il faut éviter de laisser traîner le négatif à la lumière. Je vous conseille la pénombre. Je me demande aussi s’il ne vaut pas mieux le débarrasser rapidement de ses produits chimiques, juste après qu’il ait séché (laver avec la chimie encore humide, je ne tenterais pas, l’image est littéralement liquide à ce stade). Il est très probable que les soucis ultérieurs proviennent de la chimie restée en place trop longtemps.
La conséquence d’une négligence à ces deux niveaux, c’est l’apparition de taches et surtout de zones vertes sur des parties de l’image. Mais je n’ai pas su déterminer laquelle des causes est responsable du phénomène, à moins qu’elles se cumulent.
Pour mon ultime pack, je compte placer au noir immédiatement le négatif frais, et le laver le plus vite possible. Car j’ai beaucoup de trop de soucis, 6 images foirées sur 10, il y a de quoi s’inquiéter! Assez curieusement, c’est très aléatoire et il est difficile de trouver le coupable. Parfois ça sort parfaitement, parfois c’est inutilisable. La roulette russe.
S’agissant du tirage, il faut bien sûr le conserver précieusement, ce sera un beau souvenir!
Deux exemples d’altérations du négatif. Notez les bascules vertes caractéristiques. Cela peut se corriger moyennant un très gros travail sous Photoshop, mais quand ça devient trop endommagé, c’est irrécupérable, comme sur le dernier exemple (par ailleurs, surex d’un diaph).
Une image surex d’un diaph donne invariablement un négatif du même acabit. Il n’y a aucune tolérance en surexposition.
En revanche, on a un peu plus de marge en sous-exposition (ici à -1 diaph). Ce n’est pas tant qu’il y a des détails invisibles dans les ombres en négatif, mais on peut rehausser les demi-teintes. Exactement ce que donnerait un développement poussé en inversible : on joue sur le niveau des demi-teintes, mais on ne gagne rien dans les ombres.
Le matériel :
Le matériel nécessaire à « l’opération nettoyage » est très simple :
- Du ruban adhésif plastifié type chatterton pour électricien.
- Des plaques de verre un peu plus grandes que les polas (un par face).
- Un pinceau large.
- De l’eau de Javel.
- Des gants de cuisine ou en nitrile.
- Eventuellement, un tablier, pour ne pas tacher vos vêtements.
Découpez les deux extrémités du négatif : la partie qui contenait la chimie avec la poignée, et la partie qui en reçoit le trop-plein à l’autre bout.
Puis, placez le négatif sur le verre, côté enduit de chimie contre le verre. L’idée est d’avoir le côté peint en noir, exposé à l’air libre.
Ensuite, collez des bandes d’adhésif tout le long du négatif, de manière à rendre complètement étanche et imperméable le côté en contact avec le verre. Le but est de protéger la surface de l’action de l’eau de Javel, qui risque de détruire l’image.
Puis, placez-vous au-dessus d’un évier, mettez vos gants, et munissez-vous d’un pinceau.
Versez une petite quantité d’eau de Javel, en une flaque versée au milieu. Avec le pinceau, étalez la flaque sur toutes les parties peintes, jusque dans les coins.
Vous allez constater qu’en quelques secondes, la peinture se dissout complètement en une sorte de magma noirâtre.
Passez délicatement votre pinceau sur la surface. Pas besoin d’attendre bien longtemps (une minute au total de contact de la Javel suffit). Puis rincez en positionnant la plaque sous le jet d’eau à faible pression. Passez le pinceau sur la surface pour décoller les particules résiduelles.
Vérifiez qu’il ne reste plus de parties encore en place. Si c’est le cas, remettre un peu de Javel sur la zone et rincer à nouveau.
A ce stade, vous pouvez décoller le négatif, afin de nettoyer l’autre face. Puis, très simplement, passez sous le jet d’eau la surface, tout en frottant délicatement avec votre pinceau, afin de décoller la couche gluante de chimie.
Vous constaterez que votre négatif est ainsi nettoyé et visible, mais le travail n’est pas fini pour autant, car il faut aussi décoller les bandes de papier sur le pourtour : ce papier est chargé de chimies et de peinture, et va polluer l’image. Il est donc nécessaire de s’en débarrasser.
Mon conseil : laissez tremper le négatif 15 mn dans un récipient d’eau. Le papier va se détremper, et va se décoller plus facilement. Frotter la zone sous-jacente, pour décoller les dernières particules de peinture pouvant migrer sur l’image.
Terminez par un rinçage final de quelques minutes recto-verso, puis un dernier bain d’eau déminéralisée, et faites sécher au bout d’une pince à dessin (par exemple).
Un bon moyen de vérifier si le rinçage et le nettoyage ont été efficaces : laissez s’égoutter l’image sur un sopalin : s’il prend une coloration verte, il reste de la chimie. Il m’est déjà arrivé de laisser sécher ainsi, et après 4 ans de recul, les images n’ont pas bougé, mais j’imagine que c’est certainement mieux de laver à fond.
Vous aurez probablement des accidents : décollements locaux de l’émulsion (généralement sur les bords du négatif, en-dehors de l’image). Parfois des petits trous, malheureusement y compris sur l’image. Et aussi des taches de javel (scotch pas si étanche finalement…), des points blancs (sur le positif) causés par des restes de particules de peinture. Vous êtes bons pour passer pas mal de temps sous Photoshop afin de supprimer tout ça.
Le Fuji FP-100C et le négatif séché. L’allure du négatif une fois nettoyé.
Une fois les négatifs secs, vous avez devant vous de très curieux résultats : les parties vierges adoptent une coloration gris bleu, et la transparence est moyenne. Faible saturation des couleurs, dynamique assez faible.
Au compte-fil, le film a du grain, mais la netteté est bonne!
Pour exploiter ce trésor, la seule solution est la numérisation, scan ou repro.
Pour ma part, c’est repro systématiquement (voir mon article à ce sujet).
Le tirage et son négatif invisible. Découpez les parties inutiles, scotchez le reste sur une plaque de verre, en prenant soin de placer le côté pollué de chimie vers le verre. Le scotch ne doit pas mordre trop sur la zone utile, et doit être bien plaqué pour rendre le montage étanche.
Le recto, visible à travers la vitre, et le verso, peint en noir.
Verser un peu d’eau de Javel. Immédiatement, elle réagit en faisant mousser la peinture. Au moyen d’un pinceau, étaler le liquide sur toutes les zones découvertes. Frotter doucement la surface durant quelques instants.
Une fois la peinture dissoute, l’image devient visible. Rincer à l’eau courante, en frottant au pinceau, pour retirer tous les résidus.
Nettoyage du recto : frotter au pinceau délicatement sous l’eau courante pour retirer la couche gélatineuse de la chimie.
Prendre soin de retirer les résidus de papier complètement, en détrempant le négatif dans une cuvette pleine d’eau. Puis rincer abondamment à l’eau courante pour éliminer les restes de particules collantes.